L’HISTOIRE DE L’ODYSSÉE
L’odyssée du SS Magellan prend son envol en octobre 1925. D’abord alignée sur le cours de l’Histoire telle que nous la connaissons, elle s’en détache progressivement, dérivant vers un récit singulier où le réel se teinte d’événements inattendus. Afin de préserver la trace de cette aventure et de fournir un repère à ceux et celles qui souhaitent un jour s’y plonger, la mémoire du monde a consigné les faits marquants de chacune des traversées de ce paquebot transatlantique. Ces archives constituent désormais le fil rouge d’un voyage hors du commun…
Deux jours avant le départ du SS Magellan -nouveau joyau de la Compagnie Générale Transatlantique de France (CGT)- le port du Havre fut le théâtre de multiples grèves et manifestations initiées par les employés de l’entreprise maritime. Cette mobilisation populaire -heureusement pacifique- était révélatrice d’une tension palpable entre l’administration de la Transat et ses forces ouvrières. Accusant leur employeur d’avoir dissimulé nombre d’accidents de travail (et même de morts), amputé leurs salaires et réduit au silence les dissidents, les syndicats et sympathisants communistes promirent de faire du premier périple du navire un véritable calvaire. Comme si cette promesse n’était pas suffisante, le Havre fut frappé par un orage violent le soir de ces manifestations, laissant la ville sans électricité pendant plusieurs heures et la plongeant dans une atmosphère surréelle.
Malgré ces sombres présages, le Magellan entreprit tel que prévu son voyage inaugural le 25 octobre 1925 à 18h00 précises. À la demande des actionnaires de la CGT et sous les conseils des navigateurs en présence, le Commandant Armand de l’Ambre poussa immédiatement les moteurs au maximum de leur capacité afin d’en démontrer la puissance aux observateurs internationaux. Cette ambition s’avéra toutefois de courte durée. À peine deux heures plus tard, des pannes en cascade apparurent : courts-circuits, fissures dans les conduites de chaudières, défaillances de la machinerie… Tandis que les équipes techniques se démenaient pour stabiliser la situation, une interrogation s’imposait : Était-ce là le fruit d’une conception bâclée, ou bien le résultat des sabotages perpétrés dans les entrailles du navire par des militants?
Pendant que les ouvriers s’échinaient en salle des machines, des passagers de toutes les classes sociales partageaient danse et repas sur le pont supérieur dans le cadre de la “Soirée universelle”. Cependant, l’ambiance festive bascula rapidement lorsque de mystérieux incidents s’imposèrent : vase propulsé violemment par une force invisible, altération d’un film projeté au cinéma, interférences radio, malfonctionnement du morse et du radiotéléphone, malaises et inconforts, etc. Le point culminant de ces bizarreries fut la “résurrection” d’un malade ayant rendu l’âme peu après le début de la nuit -un dénommé Léopold Thomas, suscitant incrédulité et scepticisme parmi les médecins et ecclésiastiques.
Lorsque la fumée issue des moteurs en surchauffe envahit la salle de bal, la panique et la confusion rongeaient les esprits de l’ensemble des passagers. C’est à ce moment précis qu’apparurent et disparurent dans un éclair rougeoyant trois silhouettes encapuchonnées drapées de noir proclamant la ruine du navire. Ce coup d’éclat rappelant les scènes du “Fantôme de l’opéra marqua le point final d’une nuit où plus rien ne semblait rationnel.
Sous la recommandation des mécaniciens et ingénieurs, les systèmes du paquebot furent complètement mis à l’arrêt dans les petites heures du matin afin de procéder à des réparations en profondeur au large des côtes françaises. On découvrit du même coup -selon la CGT- l’ampleur des sabotages perpétrés par les militants syndicaux à bord. L’un d’eux paya même sa témérité de sa vie lorsqu’il fut électrocuté par le circuit électrique qu’il tentait de dérégler. Heureusement, au terme de ces travaux d’urgence, le Magellan put reprendre la mer en direction de sa première destination : New York.