LES CONTRÉES ÉTRANGÈRES
I. AVERTISSEMENT
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La volonté du Céleste fut d’établir un royaume de piété et de justice au coeur de Célès. Ainsi naquit au début de l’ère royale le royaume d’Ébène, bastion de la vraie foi. Cependant, on ne peut ignorer l’existence de peuplades exotiques survivant au-delà de nos frontières. La forêt d’Ébène, les monts Namori et les deux mers servent de remparts naturels contre les voisins, mais ceux-ci ne se volatilisent pas pour autant. Dans les neiges du Nord, des athées méprisables bombent le torse en se gorgeant de leur supposée puissance. Dans les archipels orientaux, des hérétiques tatoués honorent une déité aussi cruelle que tyrannique. Dans les déserts occidentaux, un empire des sables divisé aspire à rétablir son hégémonie sur ses territoires. Au-delà des montagnes du Sud, des êtres sanguinaires vouant leurs prières à un dieu maléfique menacent les colonies ébènoise. Le royaume est ceint de contrées hérétiques aux moeurs discutables.
Parce que des marchands, des voyageurs, des missionnaires et des explorateurs en provenance de ces lieux foulent fréquemment le sol d’Ébène, il est essentiel de déceler les intentions de ceux-ci et leurs origines profondes. Le Céleste exige que sa parole soit propagée chez ceux qui la refusent ; pour y arriver, la connaissance de ces insensés est requise.
Il est important de noter qu’il est impossible d’incarner sans autorisation de l’Organisation un personnage en provenance d’une nation étrangère (cultures trop différentes) ou d’une nouvelle colonie (trop jeunes).
II. LIGUE D'ARDAROS
Capitale : L’Oeil d’Ardar
Dirigeant.e : L’Agora des Rangatiras
Perception des Ébènois.e.s : Méfiance
Inspiration : Puissance maritime ancestrale, empire maori
À l’est de Pyrae -désormais Lance d’Ardar, à plusieurs semaines de navigation des côtes ébénoises, se devinent les multiples îles de la millénaire ligue d’Ardaros. Selon les païens ardarosiens, les archipels orientaux auraient été formés par un tyrannique dieu unique du nom d’Ardar lors de l’une de ses innombrables colères sacrées. Furieux d’assister à la supposée folie hérétique des peuplades humaines -dont celle d’Ébène- Ardar aurait fait émerger de l’océan des colonnes de flammes et de magma qui auraient transformé les eaux vertes en terres luxuriantes. Par la suite, le « Maître » aurait ravi des hommes et des femmes aux quatre coins de Célès afin de les éduquer selon ses propres dogmes. Ces ancêtres du peuple d’Ardaros, considérés comme des serviteurs et esclaves du dieu de colère, donnèrent naissance à une race d’individus laconiques, féroces et pieux.
Chacune des îles de l’archipel d’Ardaros porte symboliquement le nom d’une partie de l’anatomie d’Ardar. Ainsi peut-on visiter, entre autres, la Gueule d’Ardar, la Griffe d’Ardar, la Paume d’Ardar ou l’Oeil d’Ardar. C’est cette dernière île qui accueille l’agora des Rangatiras, le lieu de discussion et de prise de décisions des seigneurs de chaque région appartenant à la ligue. Tous ces dirigeants sans exception sont reconnus pour leurs aptitudes militaires et commerciales ainsi que pour leur foi inébranlable envers le Maître. On ignore tout du processus permettant à ces chefs marchands et guerriers de trouver leur chemin vers l’agora de l’Oeil d’Ardar. Toutefois, tous les visiteurs en provenance de cette nation semblent partager un profond respect pour ceux qui les dirigent, probablement en raison d’exploits inconnus que ceux-ci doivent accomplir afin d’obtenir leur titre.
La morale des Ardarosiens est aussi triturée qu’exotique. D’un côté, les marchands ayant fait escale dans les ports des archipels s’entendent pour attribuer à ce peuple une certaine forme d’honneur et de loyauté se rapprochant de celle répandue chez les cavaliers du Sarrenhor. Cependant, ce tempérament respectable serait teinté d’une flexibilité des moeurs dans laquelle les herbes, les encens et les mixtures hallucinogènes seraient perçus comme des produits d’usage quotidien. La Fleur-de-jade, cette célèbre plante dont l’embrasement des pétales séchés altère la conscience de l’Homme, serait d’ailleurs fréquemment utilisée lors des tractations politiques et des négociations commerciales afin de faciliter la communication entre étrangers. Cette tradition, bien qu’interdite en nos contrées, semblerait néanmoins respectée en cachette par les marchands et diplomates.
La Fleur-de-jade aurait aussi ses usages lors de cérémonies religieuses dont on ne connait malheureusement que peu les détails. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que le dieu Ardar exigerait de ses fidèles une soumission absolue, autant spirituellement que physiquement. À certaines étapes de leur vie, les Ardarosiens, afin de concrétiser leur obéissance à la déité, s’infligeraient de douloureux sévices corporels dont l’objectif serait de marquer par le fer et l’encre la peau. Appelée « tatouage », cette pratique ferait de la peau des fidèles un véritable manuscrit sur lequel apparaîtraient les symboles et graphies propres à leurs textes saints.
Le voyage vers Ardaros doit nécessairement passer par l’île de Corail. Point de ravitaillement obligatoire pour toute caravelle, ce lieu stratégique est désormais sous le contrôle de la Couronne d’Ébène par l’intermédiaire de la guilde privée de la Marine des Mérillons. Cette dernière, détentrice des permis essentiels au commerce Ardaros, se garde bien d’ouvrir ses installations portuaires aux navires qui ne sont pas de ses rangs.
Malgré le fossé spirituel séparant les deux peuples, la ligue d’Ardaros est la nation envers qui le royaume d’Ébène se fait le plus amical. Les racines ardarosiennes des Pyréens permettent en effet aux navires marchands étrangers d’accoster dans les ports orientaux et d’y trouver une clientèle ouverte et sympathique. Cela dit, rarement ces commerçants dépasseront les villes portuaires donnant sur la Vaste-Mer, ceux-ci ne désirant guère rencontrer sur les eaux hostiles de la mer Blanche leurs ennemis du Vinderrhin. Ces bonnes relations en prirent toutefois un coup en 323 lorsque, au lendemain de l’éruption du volcan Iniraya de Pyrae, une flotte ardarosienne annexa subitement l’île principale pyréenne, Kessa. Nommant comme Rangatira de l’endroit un traitre hérétique à la nation ébénoise du nom d’Enrich Britt, Ardaros déploya ses forces sur place en proclamant qu’il s’agissait là d’un territoire sacré accordé par leur dieu Ardar. Les Ardarosiens ne tentèrent pas par la suite d’agrandir leurs propriétés sur le continent ou même sur les îlots en périphérie de Kessa. Aujourd’hui, une trêve tendue perdure entre Ébène et sa voisine orientale, les Rangatiras semblant toujours être ouvert au commerce.
Nul esprit sain ne désire toutefois déclencher une guerre avec Ardaros. Leur légendaire armada, leurs technologies inconnues rapportées de leurs voyages tout autour de Célès et leurs incalculables soldats tatoués -les Éternels- auraient tôt fait d’apporter la guerre sur les rives d’Ébène et d’y faire déferler mort et détresse. C’est d’ailleurs cette éventualité que le royaume d’Ébène redouta en 315 lorsque, à la suite d’une rixe concernant l’importation de fleur-de-jade, Ardaros et l’Ébène frôlèrent la guerre. Ce n’est que grâce au courage de sieur Wenceslas des Plaines, champion du Céleste, que l’honneur du royaume put être lavé lors d’un Oriam rituel (duel ardarosien). Pour cette raison, les différents princes siégeant sur le trône d’Ébène ont su par le passé préserver l’illusion d’harmonie entre les fidèles d’Ardar et ceux du Céleste, tradition que la dynastie royale elle-même semble vouloir maintenir.
-Île de Corail-
Objet de convoitise depuis des siècles, l’île de Corail n’a cessé de changer de propriétaire depuis un siècle. Par sa position stratégique sur la Vaste-Mer entre le royaume d’Ébène et la Ligue d’Ardaros, elle représente un passage obligé pour la plupart des navires marchands souhaitant entreprendre la traversée de l’océan oriental. Son peuple, profondément agnostique, refuse fermement l’implantation de cultes religieux en ses terres. Pour lui, cette neutralité spirituelle est l’unique moyen d’assurer la paix entre les visiteurs aux spiritualités diverses.
En 378, la Marine des Mérillons contrôle officiellement l’île et sa ville de Port-aux-Coraux. Toutefois, c’est Héra de Corail, descendante de l’ancien gouverneur, qui veille scrupuleusement à la gestion quotidienne des installations au nom des natifs. Pour la Marine, le respect des institutions de l’endroit est garant de la stabilité locale.
Situation géographique
Unique point de ravitaillement naval entre la Ligue d’Ardaros et le royaume d’Ébène, l’île de Corail est un minuscule bout de terre recouvert de forêts tropicales sur la Vaste-Mer. Malgré les guerres qui ravagèrent l’île lors du dernier siècle, les jungles sauvages dominent toujours la plus grande part du territoire, laissant aux colonisateurs le contrôle d’une baie -la Baie des Aras- afin de développer leur commerce. Dans les étendues indomptées, aucune production digne de ce nom n’a encore vu le jour. Certes, les insulaires exploitent le bois afin de réparer les navires, la chair des bêtes exotiques pour se nourrir et les fibres végétales afin de renforcer leurs chaumières, mais cette économie locale n’est en aucun cas suffisante pour justifier des exportations vers l’étranger.
L’unique cité de Corail, Port-aux-Coraux, borde la Baie d’Aras et est le résultat de la fusion d’une vingtaine d’anciens quartiers indépendants. Chacun de ces quartiers dispose d’un quai donnant sur la Vaste-Mer afin de maintenir un accès à l’océan. Historiquement, ces agglomérations étaient sous le contrôle de compagnies, d’équipages et de seigneurs aux origines diverses ne reconnaissant aucune autorité supérieure. Des influences mérillons, ardarosiennes et célésiennes peuvent d’ailleurs être notées dans l’architecture de la ville, confirmant ce passé houleux
C’est au début du quatrième siècle que le capitaine Ouranos de Corail, envoyé par l’Assemblée des Mérillons, mit fin aux conflits marchands et religieux entre ces quartiers et les unifia sous le nom de Port-aux-Coraux. Afin d’empêcher tout résurgence de guerres spirituelles, il interdit catégoriquement la construction de tout lieu de culte et la tenue d’événements religieux Plus encore, il fit démolir les autels et temples déjà existants. Si la mesure fut contestée initialement, les résistants furent rapidement exilés ou exécutés. Lors des décennies qui suivirent, cette laïcité institutionnelle muta en un agnosticisme généralisé devenant la caractéristique première du peuple local. Même les conquêtes ardarosiennes, des Écores, de l’Ordre et de la Marine des Mérillons ne renversèrent pas cet état de fait.
Face aux envahisseurs, les Coralliens ont développé un farouche esprit autonomiste. Tout au long du quatrième siècle, ils imposèrent peu à peu leurs conditions aux conquérants afin de maintenir la paix sur place. Ces derniers, conscients qu’ils ne pourraient conserver le contrôle de l’île sans l’approbation de la populace, concédèrent des privilèges grandissants à leurs dépendants et à leurs représentants de la famille de Corail. En 378, l’apogée de cette autonomie est atteinte avec le règne fort laxiste de la Marine des Mérillons. Laissant la gestion quotidienne de l’île à la gouverneur Héra de Corail, la guilde se contente d’y stationner une brigade afin de superviser le passage de ses marchandises et de traquer les pirates de la Vaste-Mer.
Histoire
Au début de l’ère royale, l’île de Corail n’était que peu connue des Ébénois. Située à plusieurs semaines de navigation à l’est sur la Vaste-Mer, les marchands du royaume n’y jetaient l’ancre que brièvement afin de se ravitailler avant de poursuivre leur périple vers Ardaros. On racontait que c’était une antre de violence où de dangereux autochtones menaçaient tout nouvel arrivant et où les pirates de la Vaste-Mer, ardarosiens comme ébénois, se réunissaient. La réalité n’était alors pas très loin des rumeurs.
Jusqu’au début du quatrième siècle, l’île de Corail était le centre névralgique du chaos sur la Vaste-Mer. Sur des kilomètres de plage autour de ce qui allait devenir la ville de Port-aux-Coraux, marchands et pirates construisaient des ports indépendants afin de faire mouiller leurs navires entre leurs missions. Autour de ces quais isolés les uns des autres, des quartiers anarchiques sous le contrôle des équipages et compagnies marchandes suffisamment téméraires pour s’y établir foisonnaient tels des champignons. L’épisode du Sang’Noir, catastrophique sur le continent, poussa les insulaires à fermer entièrement leurs eaux aux étrangers et visiteurs afin d’éviter la propagation du mal en leurs terres.
Ce n’est qu’en l’an 30 de l’ère royale qu’une première organisation commerciale d’envergure, l’Assemblée des Mérillons, réinscrivit l’île de Corail sur les cartes en tant qu’escale parfaite pour se rendre à Ardaros. C’est la famille Amezaï, seigneur-palatine pyréenne, qui procéda à une première vague de colonisation au nom de son palatinat, suivit de près par des familles nobles de Salvamer. Toutefois, ces colons ne souhaitant pas s’attirer les foudres des regroupements déjà établis sur place, ils se plièrent aux traditions locales et créèrent leurs propres quartiers marchands. L’arrivée en force du culte du Céleste sur l’île et la venue d’une importante population ébénoise eurent pour résultats la construction de nombreux temples et le début d’un prosélytisme nouveau. En réponse à cette expansion célésienne, les autres communautés en présence bâtirent des lieux de culte en l’honneur de leurs divinités respectives. Les temples au Céleste, à Ardar, aux anciens dieux Mérillons et aux autres philosophies sectaires hérétiques s’élevèrent alors. Ce processus sur plusieurs décennies ébranla le fragile équilibre de l’île et mena, en 278, à une grave guerre civile.
Pendant 13 ans, les fanatiques des différents cultes firent de Corail le symbole de leurs guerres saintes. En 291, l’Assemblée des Mérillons décida finalement de mettre un terme à ces querelles sanglantes qui compromettaient les échanges commerciaux sur la Vaste-Mer. C’est le vice-amiral Ouranos, capitaine lui-même d’origine corallienne, qui fut chargé de reprendre le contrôle de l’île. Sur le Rubis, le navire le plus puissant de sa flotte, il débarqua sur les plages de Corail en conquérant. Ayant grandi toute son enfance dans l’orphelinat de l’île, il portait une affection particulière à ce bout de terre. Un à un, il bombarda tous les temples, qu’ils soient étrangers ou célésien, ne faisant aucune distinction entre les cultes. Le capitaine Pontos sur l’Opalescent, le navire aux canons les plus précis de la flotte, seconda l’attaque d’Ouranos. Ses artilleurs visaient ce que le Rubis n’atteignait pas. La capitaine Maria sur le Saphir, le navire le plus rapide de la flotte, avait à son bord de nombreux médecins et du matériel pour guérir les blessés de cette opération surprise. La capitaine Rhéa sur l’Émeraude, le navire diplomatique de la flotte, la seconda dans son opération et accueillit les survivants qui fuyaient vers Ébène.
Après l’attaque, Ouranos se présenta aux survivants en tant que libérateur du peuple de Corail et premier gouverneur de l’île, tournant immédiatement le dos à l’Assemblée des Mérillons qu’il jugeait indigne de régner sur place. Ceux qui résistèrent furent invités à prendre place sur l’Émeraude pour retourner dans leur contrée d’origine. Sur le coup, les trois quarts de la population décidèrent de quitter. On profita de la destruction des temples pour reconstruire la ville selon la vision du nouveau gouverneur. Une ville métissée, prospère et unifiée sous le nom de Port-aux-Coraux. Pour fêter la construction du manoir du gouverneur, on organisa le mariage entre Ouranos et Rhéa, établissant une nouvelle dynastie. En ce jour, il donna à lui-même et aux capitaines de sa flotte le nom de famille De Corail.
À la suite de la résolution de la crise politique entre la Ligue d’Ardaros et le royaume d’Ébène au sujet du commerce de fleur-de-jade en 315, l’île de Corail refit surface dans les discussions diplomatiques. Point de ravitaillement obligé sur la Vaste-Mer entre les deux nations, ce bout de terre devint un enjeu géopolitique stratégique. À force de négociations avec les Ardarosiens, il fut décidé de fonder sur l’île des infrastructures douanières afin de prévenir toute importation illégale ou indésirable de part et d’autre. Un conseil douanier formé de dignitaires ébénois fut créé au sud de la terre tandis que les puissants d’Ardaros commencèrent à envoyer des renforts et intendants pour gérer le nord de l’île. Ouranos de Corail, quant à lui, tirant son épingle du jeu, était garant de la stabilité globale de l’endroit et des interactions entre les deux territoires. La Guerre des deux Couronnes devait malheureusement changer ces plans.
Effectivement, profitant de la guerre civile en cours, les Marchands libres des Écores -des contrebandiers établis à Cassolmer- affirmèrent leur intention d’acquérir leur indépendance auprès des autorités du royaume. S’en suivit de violents affrontements entre les représentants de l’ordre royal et les criminels. Après l’assassinat du Paon, un haut capitaine des Écores, l’attention des criminels se tourna vers la douane orientale de Corail. Teoman’Ki, redoutable pirate d’origine ardarosienne, se donna pour objectif de capturer l’île et d’en faire un bastion d’affranchis. Cette initiative dégénéra en de violentes batailles navales au large des côtes ébénoises. Après des mois de contestation et la mort de Teoman’Ki lui-même, les autres capitaines des Écores réussirent enfin à prendre possession des installations de Corail et à s’y implanter fermement. Par la suite, avec le déclenchement officiel de la Guerre des deux Couronnes, les armées ébénoises ne purent poursuivre le combat. Encore une fois, Ouranos se plia au nouvel ordre en place, se contentant d’assurer la paix entre les natifs et les conquérants.
Lors des années suivantes, l’essor inquiétant sur la Vaste-Mer de l’organisation connue sous le nom de « L’Ordre » créa de nombreux remous à l’est. Faisant de la lutte à la contrebande et au crime leur cheval de bataille, les fanatiques justiciers de l’Ordre prirent contrôle de l’île de Corail. L’équilibre fragile que maintenaient ironiquement les Marchands libres des Écores sur la Vaste-Mer était rompu. Confrontée à ces pirates fanatiques voués au renversement des gouvernements d’Ébène, la Marine des Mérillons dut engloutir des sommes colossales pour préserver son hégémonie commerciale. Ironiquement, les enquêtes ultérieures devaient prouver que les capitaines de l’Ordre, ennemis mortels des Mérillons, étaient souvent infiltrés à même l’organisation, jouant de ce fait sur les deux tableaux. Néanmoins, en 323, après des luttes acharnées, les légions de la Marine parvinrent à poser le pied sur l’île de Corail. Il fallut ensuite près de deux décennies de combats sanglants dans les jungles de ce bout de terre tropical pour que les Mérillons reprennent le contrôle aux mains des derniers criminels résistants. Ce fut Didius Falco, Commodore de la guilde, qui mena ces batailles acharnées.
À la fin de la Guerre de l’Avènement, la Marine des Mérillons, seule détentrice des droits de commerce avec la Ligue d’Ardaros et les nations de l’est, décida de redonner le pouvoir à la famille de Corail désormais représentée par la petite-fille d’Ouranos, Héra. Épaulée par une brigade permanente de la Marine stationnée à Port-aux-Coraux, Héra fait encore aujourd’hui le pont entre le peuple de l’île, profondément scarifié par les guerres incessantes du dernier siècle, et les marchands ébénois officiellement propriétaires des lieux. Cependant, la reprise de ce point de transit et la création de la Lance d’Ardar en Pyrae s’accompagna d’une recrudescence du nombre de galions ardarosiens sur la Vaste-Mer, appelant les marins ébénois de l’endroit à une plus grande vigilance sans que cela ne dégénère encore en affrontements.
III. ATHÉOCRATIE DU VINDERRHIN
Capitale : Forteresse de Merdren-Ovindar
Dirigeant.e : Le roi Orovyndyr
Perception des Ébènois.e.s : Guerre froide
Inspiration : Cités-forteresses géantes au peuple athée et suprématiste
Au-delà de la mer Blanche, à mille lieues des derniers hameaux de pêcheurs ébénois, survivent dans les neiges éternelles les habitants du Vinderrhin. Selon leurs propres récits cosmologiques, leurs ancêtres seraient nés des glaces infinies des plaines nordiques, engendrés par les vents hurlants des steppes. Insensibles à la douleur et à toute forme de peur, ils auraient exterminé, il y a plusieurs millénaires de cela, les farouches géants qui dominaient la région afin de s’emparer de leurs majestueux fortins de pierres blanches. Ces impressionnantes forteresses ayant été conçues par et pour des créatures de taille inouïe, chacune d’elle jouerait aujourd’hui le rôle de cité où les familles du Vinderrhin y logeraient des milliers de leurs membres. Jusqu’à récemment, jamais ces places fortes n’avaient été conquises depuis la chute des géants, nul n’osant vraiment s’y attaquer de front ou risquer un siège prolongé dans les froids mortels de ces terres.
La situation géographique du Vinderrhin a profondément modelé le tempérament de ses habitants. L’hiver quasi perpétuel sévissant dans les steppes blanches a endurci le coeur des Hommes et a fait d’eux des êtres rationnels, calculateurs et impitoyables. Lorsque les tempêtes dévastatrices approchent, il ne convient guère de s’apitoyer sur le sort de ceux laissés dehors ou sur les malades et les indigents. L’ultime grâce pouvant être faite aux faibles, parasites aux yeux des habitants des glaces, est une mort douce dans les froids nocturnes. Peu importe les bonnes intentions, seuls les résultats importent.
Dès lors, qu’il s’agisse d’un homme, d’une femme, d’un enfant ou d’un vieillard, quiconque, tant que la force coule en ses veines, aura la chance de se faire entendre au sein du Vinderrhin. Ce concept de puissance n’est pas qu’une simple idéologie pour les fiers du Vinderrhin : c’est aussi une notion philosophique et religieuse. Habituellement, on lui donnera le nom d’Arth et ceux qui en feront la promotion -les prêtres- se surnommeront Arthéurges. L’Arth serait une énergie entièrement dissociée des dieux -le Vinderrhin nie l’existence de toute entité supérieure- animant l’humanité tout entière et la rendant apte à conquérir et dominer son environnement. L’Arth se manifesterait dans les prouesses du soldat, la création du forgeron, l’intuition du marin, etc. En cultivant ses talents et en domptant les éléments, l’Homme renforcerait l’Arth et contribuerait à rapprocher l’humanité de la perfection.
Malgré cette croyance en l’Arth, aucune noblesse de sang ne structure la politique du Vinderrhin. Dans chaque château-cité, des assemblées sont tenues lors desquelles les plus vaillants orateurs débattent des actions futures de leur communauté. Bien qu’aucun suzerain ne soit officiellement élu par ce rassemblement élitiste, l’Histoire nous a appris que des héros du peuple savent imposer leur influence et s’assurer la dévotion de leurs compatriotes. Certains de ces meneurs charismatiques useront de leur pouvoir pour développer leur forteresse tandis que d’autres se lanceront à l’assaut de leurs voisins ou, dans les cas extrêmes, des autres nations.
Du moins, ce système politique était en vigueur jusqu’au milieu du quatrième siècle. En 320, le commandeur de la Compagnie du Heaume et Témoin des Témoins, Jean Lamontagne, lança une guerre sainte contre la forteresse de Horgar-Vindrodar. Profondément enfouie au cœur des steppes glaciales du Vinderrhin, cette place-forte avait été conquise quelques années plus tôt par le félon, briseur du pacte du vin et sorcier noir Adolf Aerann de Fel. Ce n’est qu’en 322 que Jean Lamontagne fut revu. Enchaîné et mis en cage, il était brandi sur le navire de proue d’une flotte Vinderrhin venant réclamer vengeance sur le royaume d’Ébène. Au début de l’année, une horde de plusieurs dizaines de milliers de guerriers assoiffés de sang venus des quatre coins des steppes de glace déferla donc sur l’île d’Yr et dans le nord ébénois. Ce n’est que grâce au courage des vaillants et pieux défenseurs princiers que cette invasion fut repoussée. Toutefois, celle-ci coûta la vie -le croyait-on- au prince Élémas V et à des milliers de nobles Célésiens.
Si l’Ébène se réjouit de cette victoire à l’arrachée, les légions décimées qui regagnèrent le Vinderrhin rapportent avec elles une haine tenace. En quête de boucs-émissaires justifiant leur défaite, ces guerriers s’emparèrent de la forteresse côtière de Bherren-Herderdrovyn et y massacrèrent plusieurs centaines d’individus considérés comme sympathiques au royaume d’Ébène. Lors de ces tueries vengeresses, un homme se démarqua parmi les meurtriers : Ovindyr. Seigneur de la forteresse de Merdren-Ovindar, à l’ouest de Bherren-Herderdrovyn, mais toujours sur la côte de la mer blanche, ce guerrier était le descendant direct d’Ovindyr, le chef de guerre ayant mené un assaut sur le royaume d’Ébène peu après la mort du Roi-Prophète. Les habitants de Merdren-Ovindar ayant perdu beaucoup de leurs ancêtres aux mains des Ébénois dans le passé, ils entretenaient depuis des siècles une haine implacable envers les Célésiens. Ovindyr, à l’image de ses congénères, rayonna par son zèle à pourchasser les supposés traitres au Vinderrhin et rassembla autour de lui des combattants de toutes les steppes glacées. Dès lors, il put préparer son coup d’état.
Infiltrant ses sympathisants dans les imprenables cités-forteresses, il s’assura de pouvoir atteindre le cœur du pouvoir dans l’entièreté des hauts lieux du pays. Lorsqu’il fut prêt, il lança son opération et força, par la menace, la torture ou le meurtre, les seigneurs et dames du nord à lui reconnaître le titre de Roi de l’Arth. En échange, Ovindyr s’engageait à ne pas interférer dans la gestion interne des forteresses géantes ; ce qu’il désirait avant tout, c’était de contrôler les politiques étrangères du Vinderrhin. Chaque cité conserverait ses Arthéurges, ses seigneurs et ses héros, mais le Roi veillerait à la sécurité des côtes enneigées. Pendant plusieurs décennies, cet accord se maintint et, à la mort d’Ovindyr en 374, son fils, Orovindyr, lui succéda sans encombre.
L’impact d’Ovindyr et de son successeur sur les relations avec le royaume d’Ébène fut gigantesque. Encore aujourd’hui, le Vinderrhin et l’Ébène sont théoriquement en guerre ouverte. Aucune paix ou trêve ne fut signée depuis 323 et il semble peu probable que cet état de fait ne change. Orovindyr, tout comme son père, entretient une haine profonde et implacable envers les Ébénois et un mépris insondable envers la foi célésienne. De temps à autres, des marchands du nord peuvent naviguer jusqu’à l’île aux Boustrophédons, principal point de ravitaillement entre les deux pays, afin d’opérer quelques échanges avec la Marine des Mérillons, mais ceux-ci sont habituellement avares d’informations et prompts à regagner la mer une fois les ententes conclues. Néanmoins, depuis quelques années, des rumeurs filtrent parmi les marins ébénois : levée des vents du nord, réapparition des géants des glaces, changement d’attitude d’Orovindyr…Entre ragots de marins et faits établis, il est toutefois difficile de déceler la vérité dans ces histoires.
À mi-chemin entre le Vinderrhin et le royaume d’Ébène sur la Mer Blanche, l’Île aux Boustrophédons est une dépendance de la Marine des Mérillons. Régulièrement, des pillards du nord viennent rôder dans les eaux la ceinturant, mais l’équipage du Téméraire, galion mené par le capitaine Ozzias Vaneck, les tient à distance.
Désert et stérile, ce pic rocheux n’est l’hôte d’aucun commerce particulier. De temps à autre, des marchands du nord viennent y négocier des marchandises avec des émissaires d’Ébène, mais ceux-ci n’y restent que brièvement. Seuls les chasseurs de boustrophédons y demeurent pendant plusieurs mois, à l’affût des massifs mammifères marins.
Situation géographique
L’Île aux Boustrophédons est le point de rencontre des navigateurs ébénois et vindh sur la Mer Blanche, loin au nord-ouest des côtes felbourgeoises. Pic rocheux percuté sans relâche par les vagues et balayé par les pluies glacées, il n’a de valeur que pour son positionnement stratégique entre les deux nations en guerre éternelle. Sur ses plateaux stérilisés par le sel des mers, aucune culture ne survit. Seuls certains animaux tels des oiseaux marins, les phoques et les loutres peuvent y subsister grâce aux bancs de poissons des alentours.
La communauté résidant sur place n’a rien d’une société organisée. Ce sont essentiellement les soldats postés par la Marine des Mérillons qui assurent une permanence dans les environs en entretenant la douzaine de chaumières, entrepôts et maisons communes. Quelques équipages de marins osant encore pourchasser les boustrophédons -ou baleines, comme les appellent les rustres du royaume- malgré les Vindh rôdant dans la région crèchent de temps à autre sur l’île. L’ambre gris, extrait du musc du mammifère, se vend à prix d’or sur les marchés ébénois, les artisans en tirant un parfum fabuleusement recherché.
Depuis près de quinze ans, c’est l’équipage du “Téméraire”, galion affrété spécifiquement pour la Mer Blanche, qui surveille la région. Son commandant, le capitaine corrésien Ozzias Vaneck, est un homme rude ne laissant aucun boutre vindh pénétrer dans les eaux ébénoises sans autorisation. À plusieurs reprises lors de la dernière décennie, il a personnellement coulé des navires étrangers bravant ses directives.
Histoire
Autrefois vulgairement appelée “Roche-aux-Puants” en raison des nombreux pêcheurs de basse extraction y résidant, l’Île aux Boustrophédons n’a acquis son nom actuel qu’après qu’elle ait été ajoutée aux cartes officielles du royaume par le Felbourgeois Grégoire de Grise en 315. Historiquement, ce pic rocheux sans grand intérêt n’était habité que par une cinquantaine de navigateurs vivant de la pêche dans les eaux de la Mer Blanche. Les relations entre le Vinderrhin et l’Ébène étant à leur plus faible après l’assaut sur la cité d’Yr en l’an 27 de l’ère royale, il fallut près de trois cents ans avant que d’audacieux marchands décident de renouer des liens entre les deux pays.
Ce fut la Guilde des Francs-Marchands qui, en 315, relança les échanges avec le Vinderrhin. Grégoire de Grise, l’un de ses éminents membres réputé pour sa passion pour l’exploration, posa le pied sur la Roche-aux-Puants afin d’investiguer à propos de mystérieuses créatures marines rencontrées sur la Mer Blanche. Après des semaines de chasse, les navires de la Guilde tombèrent enfin sur ces mammifères géants vivant sous la surface des eaux. Si les gueux leur donnèrent le nom de “baleines”, de Grise leur préféra celui de “Boustrophédons” en raison de leur tendance à nager en zig-zag afin de se nourrir. Dès lors, ce bout de terre rocailleuse fut appelé “Île aux Boustrophédons” et commença à accueillir des chasseurs souhaitant s’enrichir grâce à la chair et à l’ambre gris extrait des animaux.
Les Francs-Marchands, quant à eux, fondèrent sur place un poste de ravitaillement leur permettant de naviguer jusque sur les côtes du Vinderrhin. Pendant près de sept ans, les Ébénois exportèrent des vivres, des armes et, surtout, du bois d’Ébène aux voisins du nord en échange des précieuses gemmes des steppes glacées. L’île ne tira toutefois aucun réel profit de ce commerce, sa faible superficie et ses sols rocailleux ne permettant aucune résidence ou population permanentes. Seule une poignée de loups de mer vendant leurs services de guides dans les glaces de la Mer Blanche y faisaient escale afin de s’enrichir sur le dos des marchands parfois ignares quant aux réalités du nord.
En 322, le négoce des Francs-Marchands avec le Vinderrhin fut au coeur de multiples controverses. Effectivement, à la tête d’une flotte d’invasion construite à même le bois ébénois, le seigneur de guerre Olfdar -ou Adolf Aerann- se lança à l’attaque du royaume. Accusés d’avoir facilité cette guerre de conquête, les marchands, dont plusieurs étaient eux-mêmes des Aerann de Fel, se virent attaqués de toutes parts par leurs compétiteurs. En quelques mois à peine, l’empire commercial de la guilde s’effondra tandis que ses trésors étaient récupérés de force par le duc de Fel Aldrick Aerann. L’Île aux Boustrophédons, abandonnée de tous, retomba dans l’oubli. Tout au long de la Guerre de l’Avènement, quelques téméraires tentèrent de s’emparer de ses installations afin de reprendre la chasse aux boustrophédons, mais ceux-ci furent régulièrement pillés et massacrés par des expéditions vengeresses en provenance du Vinderrhin.
Ce n’est qu’en 364 que la Marine des Mérillons reprit possession des lieux afin de dissuader les pillards du nord de menacer les pêcheurs ébénois. Ceux-ci étant souvent à la barre de simples boutres des mers inaptes à résister aux salves des canons d’Ébène, il suffit depuis quinze ans d’un seul galion pour les tenir à distance. Cela laissa aux quelques sous-traitants de la Marine la chance de vaquer à la chasse aux créatures marines. Occasionnellement, certains Vindh accostent sur l’île afin de procéder à des échanges de convenance avec des seigneurs d’Ébène, surtout originaires de Fel. Cependant, cette situation précaire est perpétuellement menacée par le régime xénophobe et belliqueux en vigueur au Vinderrhin.
IV. EMPIRE DU BOUC
Capitale : Ouran’Berron
Dirigeant.e : L’Empereur
Perception des Ébènois.e.s : Méfiance
Inspiration : Empire centralisé du désert, empire ottoman
Les déserts du Silud s’étendent loin par-delà la mer Blanche à l’ouest. Selon d’éminents géographes ébénois, tout porterait à croire que cette contrée pourrait être atteinte par la traversée de la forêt d’Ébène. Cependant, personne depuis le Roi-Prophète n’ayant réussi l’exploit de franchir cet océan sylvestre infini, cette théorie ne put jamais être confirmée. La voie maritime demeure donc la seule option viable pour voyager jusqu’au Silud. La traversée de la mer Blanche est néanmoins extrêmement périlleuse et ne peut être envisagée que si une halte est effectuée sur l’île d’Ivoire, à mi-chemin entre nos deux nations. Jusqu’en 316, ce point de ravitaillement était sous le contrôle de la famille salvameroise Volpino, mais à la suite du départ de l’explorateur Marco Volpino au beau milieu de la Guerre des deux Couronnes, le bout de terre regagna sa neutralité. Ce n’est qu’une cinquantaine d’années plus tard que la Marine des Mérillons, avec la permission royale, investit officiellement ce modeste bout de terre afin d’y établir un nouveau comptoir commercial.
Nulle nation étrangère n’a davantage changé que le Silud au cours du dernier siècle. Auparavant divisés en une multitude de clans disparates, dispersés et en guerre perpétuelle, les Siludiens furent unifiés sous la gouverne d’un puissant mystique surnommé le Thaumaturge. Les nomades du désert vénérant les dieux animaux se firent ainsi serviteurs de mystérieux individu et de ses ambitions mégalomanes. Ce n’est qu’en 322 que le royaume d’Ébène leva le voile sur l’identité de cet homme : Ferval Aerann, devin du Zanaïr et ancien conseiller personnel du prince Élémas IV. Cette révélation se fit au moment même où celui-ci débarqua, à l’invitation de son demi-frère Aldrick Aerann, duc de Fel, au port de Felbourg la Cité en compagnie de milliers de guerriers siludiens afin d’aider le duché à maintenir son indépendance. Lors des années qui suivirent, Ferval trôna en tant que co-duc, usant de ses mystérieux et inexplicables pouvoirs de divination et de contrôle des éléments pour mener les siens à la victoire. Or, en 342, après plusieurs succès militaires éclatants, les légions siludiennes connaissent une défaite sanglante et définitive. Lorsqu’elles traversent la Laurelanne à Laure afin de prendre à revers les forces patriciennes, elles sont surprises par leur proie et décimées sauvagement. Lorsque la rumeur de la défaite du cœur des armées felbourgeoises filtre dans la Forteresse du Fils, un vent de panique s’installe. Toute une journée durant, on cherche Ferval dans la place-forte afin de s’enquérir de ses conseils, mais le co-duc demeure introuvable. C’est finalement dans le Mausolée des Dormeurs -monument de roc noir voué à l’élévation mystique qu’il avait fait construire- qu’on le retrouve. Celui-ci repose aux côtés d’une centaine de Dormeurs éternels gisant dans leurs couches. Ferval, fidèle à sa spiritualité propre, a entrepris l’ultime voyage vers la Vérité, abandonnant son enveloppe charnelle afin d’élever son esprit.
La nouvelle de la disparition du Thaumaturge et de l’anéantissement de ses troupes sur les terres ébènoises exigea plusieurs mois pour se rendre dans les déserts occidentaux. Toutefois, quand elle se répandit dans les ports, elle se propagea comme une traînée de poudre. Le récit des événements à partir de ce moment est confus pour le commun des Ébènois. Selon les quelques explorateurs ayant osé poser les pieds en ces contrées depuis 343, le Silud sombra rapidement dans l’anarchie. Privé de son tyran-divin et des impitoyables soldats du chacal réputés pour leur capacité à maintenir l’ordre, les cartels et groupes clandestins s’adonnèrent librement à leurs commerces malsains. Pendant des années, des dizaines de roitelets auto-proclamés sortirent la masse, saignèrent à blanc leurs semblables et périrent sous les poignards de leurs adversaires.
Au début des années 360, un renouveau spirituel balaya toutefois les déserts d’est en ouest. Dans chacun des clans et chacune des chaumières, hommes et femmes, vieillards et enfants, éprouvèrent des rêves similaires dans lesquels se manifestait Mak’Kel le Bouc, dieu nocturne de l’onirisme. Peu après, une troupe de pèlerins d’origine inconnue guidée par un homme arborant un crâne de bouc apparaissait dans la cité d’Ouran-Berron, prospère caravansérail du désert. Immédiatement, un flot de curieux et de désespérés convergea vers la ville afin de contempler celui qui prétendait être l’incarnation de Mak’Kel. Se nourrissant du désespoir de ces gueux, l’homme rassembla ses nouvelles ouailles et les organisa en une armée de zélotes prêts à tout pour échapper à leur situation tragique.
Rapidement, Ouran-Berron tomba aux mains de celui qui prenait désormais le nom de « L’Empereur ». Par la suite, un à un, les clans et cartels plièrent le genou devant ce souverain suscitant l’admiration des foules. Cependant, contrairement à son prédécesseur Ferval, l’Empereur ne se contenta pas d’unifier le Silud sous sa gouverne. Dès qu’il fut en position de mener ses guerres à l’extérieur de ses frontières, il dirigea ses armées vers l’ouest et le sud et soumit les clans nomades traditionnellement exclus des territoires siludiens. Depuis, l’Ébène ignore tout des ambitions expansionnistes de ce tyran. Tout ce que l’on sait, c’est que l’Empire du Bouc, comme on l’appelle, demeure extrêmement réticent à entretenir des relations avec le royaume d’Ébène, confirmant son hostilité et sa méfiance à son endroit.
Cela dit, les négociations entre les Ébènois et les Siludiens furent de tout temps ambigües. D’un côté, les déserts occidentaux regorgent de denrées rares –légales ou non- appréciées des Célésiens : soufre, épices, herbes et même poisons. Cependant, d’un autre côté, ces étrangers sont généralement reconnus comme des manipulateurs, des fraudeurs et des menteurs invétérés. À chaque occasion dont ils disposent, ces fourbes tentent de maximiser leurs profits aux dépens de toute morale, promesse ou amitié. Pour cette raison, rares sont les marchands ébénois qui osèrent historiquement établir des partenariats avec les Siluds.
V. LÉGION DE L'HARMATTAN
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VI. PEUPLES LIBRES DU SILUD
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VII. HORDE D'HORATHOT
Capitale : Inconnue
Dirigeant.e : Inconnu
Perception des Ébènois.e.s : Guerre totale
Inspiration : Sauvages sanguinaires et chamanistes
Depuis des siècles, le royaume d’Ébène partage des frontières avec une énigmatique contrée au sud des Monts Namori. La république fantôme du Firmor, comme décidèrent de la surnommer les explorateurs, représenta de tout temps un mystère absolu pour les voyageurs souhaitant s’y aventurer. Effectivement, tous les récits des aventuriers rapportent que le moindre périple entrepris en direction des sentiers montagneux dévastés de ces landes se soldait par des jours d’errance ponctués de paysages désolés et d’hallucinations oniriques. Malgré des tentatives répétées, nul courageux ne parvint à débusquer une ville firmori, tout comme aucun cartographe ne réussit à dresser une carte fiable de ces forêts mouvantes. Seuls les rares marchands et émissaires originaires du Firmor semblaient réussir à communiquer avec l’Ébène, l’inverse s’avérant inconcevable.
Or, en 322, un phénomène troublant survint. Soudainement, les Firmoris disparurent de la surface de ce monde. Autant les sentinelles stationnées près des ravins des Gorgias au Val-de-Ciel que les voyageurs firmoris invités dans les cours ébénoises se volatilisèrent. Intrigués, les érudits du royaume organisèrent en réponse à ce surprenant événement de nouvelles expéditions en terres du sud. Cette fois, celles-ci parvinrent à atteindre d’anciennes cités abandonnées et dévastées. Encore aujourd’hui, les secrets débusqués dans ces ruines demeurent jalousement gardés par une poignée d’individus. Toutefois, un fait s’imposa à tous : l’inexplorable territoire du Firmor était désormais ouvert aux voyageurs d’Ébène.
Dès 323, une opération de grande envergure fut organisée par des seigneurs de Fel, Avhor et du Val-de-Ciel. Rassemblant leurs effectifs et ressources, ces dignitaires affrétèrent une poignée de navires et envoyèrent quelques centaines de colons dans les lugubres terres firmories. Tout d’abord, ceux-ci s’emparèrent du port abandonné étranger de Laganas et le rebaptisèrent « Port-Abondance ». À partir de ce point, ils débutèrent la colonisation des régions environnantes. Fervents partisans du Guérisseur couronné, de la nouvelle monarchie et d’un culte célésien fort et radical, ils fondèrent par la suite les agglomérations de Ville-Sans-Ombre, de Fort Sentinelle et du Havre-d’Adrianna. En raison des magnifiques fleurs bleutées qui tapissaient les sols présumément stériles des forêts en ces régions, cette première colonie fut appelée « Terre des Roses ».
Les Ébènois ne furent malheureusement pas les seuls à tirer profit de la disparition soudaine du Firmor. Quelques mois après la fondation de la Terre des Roses, les éclaireurs rapportèrent l’apparition de cohortes inconnues en provenance de lointains territoires au sud. Rapidement, tout contact pacifique et diplomatique avec ces individus se révéla impossible. Couvrant leur peau du sang de leurs ennemis, ces sauvages meurtriers ne semblaient avoir qu’une seule ambition : capturer d’innocents ébénois afin de les offrir en sacrifice à leur sombre divinité. Au fil des rumeurs et des récits horrifiants, des noms furent attribués à ces réalités. Les sauvages devinrent les « Éveillés », leurs terres lointaines surnommées « Clans des rêves » et leur dieu grotesque qualifié de « Dévoreur ». En dehors de ces mots graphiques, rien ne put être découvert à propos de ces barbares.
Pendant des années, des rixes mineures survinrent entre les deux peuples. Toutefois, le premier assaut en bonne et due forme se concrétisa en l’an 360 sur Havre-d’Adrianna. Lors d’une nuit sans lune, les Éveillés attaquèrent massivement la communauté maigrement fortifiée. Le témoignage des rares survivants ayant échappé à la vigilance de l’ennemi hante toujours les cauchemars des colons. Après avoir rassemblé les innocents dans le temple célésien local, les hérétiques arrachèrent et dévorèrent un à un les cœurs des habitants. Lorsque les sentinelles parvinrent à reprendre Havre-d’Adrianna, ils ne découvrirent aucun cadavre. Seul le sol imbibé du sang des victimes prouvait qu’un massacre y avait été perpétré.
Voilà tout ce que l’on connaît à ce jour des clans des Rêves et des Éveillés. Que désirent-ils? Peuvent-ils être raisonnés? Quels sont les préceptes de ce dieu Dévoreur? Bien malin celui qui pourrait répondre à ces questions à l’heure actuelle. Tout ce que l’on peut espérer, c’est que ces hordes malveillantes ne poursuivent pas davantage leur route vers le nord et la Val-de-Ciel…
VIII. LES TERRITOIRES SAUVAGES
La
IX. LES HEYERAQ
La
X. ÎLE DE CANOPÉE
La
XI. COLONIE DE LA NOUVELLE-SALVAR
La
XII. COLONIE DU FORT-SAPHIR
Capitale : Fort-Saphir (colonie du Duché des Crânes)
Dirigeant.e : La commandante Stella Abisso
Inspiration : Colonie fortifiée et militarisée tropicale du 17e siècle (ex : la Havane)
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Fondée à l’insu du royaume d’Ébène peu après la découverte du continent d’Ascandia en 381, la colonie du Fort-Saphir est la fierté du duché des Crânes. Contrairement à sa voisine qu’est la Nouvelle-Salvar, Fort-Saphir se veut un avant-poste militaire et naval en mers du sud. Cette vocation est confirmée par la gouvernance de la commandante Stella Abisso, une redoutable capitaine du duché des Crânes privilégiant depuis toujours le poignard à la plume.
-Géographie-
La colonie de Fort-Saphir prétend contrôler les terres à l’ouest de la chaîne de montagnes principale d’Ascandia (contrairement à la Nouvelle-Salvar s’étendant à l’est). Cependant, ces prétentions sont sujettes à débat, le coeur du continent étant extrêmement dangereux, et ce même pour les explorateurs d’expérience. Effectivement, des côtes jusqu’au pied des montagnes, des jungles particulièrement hostiles attendent les visiteurs. Le jour, des fleurs à la sève brûlante, lézards géants à la salive sulfurique et fosses imperceptibles font de chaque déplacement un risque mortel. La nuit, une brume acide rongeant la chair embaume les sols, forçant les mammifères à gagner la canopée pour y être dévorés par des chauves-souris sanguinaires et démesurées. Par conséquent, bien téméraire serait celui soutenant contrôler les terres sauvages d’Ascandia.
C’est donc sur la côte, loin des dangers des terres intérieures, que le Fort-Saphir fut érigé. À partir d’une forteresse-flottante -héritage des Atak’Ebunaï ardarosiens- conçue au Bastion de l’Union près de Salvar et arrimée au roc marin, des quais, tours de garde et murailles surgissant des eaux furent construits par les ambitieux ingénieurs militaires des Crânes. Ainsi, pendant que la forteresse-flottante s’élevant au milieu de ces installations abrite jusqu’à cinq cents marins et miliciens, ses alentours permettent aux frégates d’exploration et de guerre de venir s’y ravitailler et d’y mouiller. Enfin, un chantier naval gagnant en envergure fut greffé aux installations depuis l’hiver 383, permettant la construction de navires de guerre alimentant la flotte des Crânes.
Les matériaux essentiels à l’érection de Fort-Saphir furent acquis par le défrichage effréné des jungles riveraines à la plate-forme militaire. Les ingénieurs ébènois émettant l’hypothèse que la flore elle-même alimentait les vagues de brume mortelle la nuit, ils recommandèrent l’éradication de portions importantes de zones boisées. Par coïncidence ou non, cette théorie sembla se confirmer, les bancs d’air vicié limitant sa progression aux nouveaux abords de la jungle. La commandante Abisso s’abstint néanmoins d’étendre le chantier de la colonie sur la terre ferme de crainte d’un retour inattendu du mal ; Fort-Saphir devait rester une colonie militaire navale.
-Histoire-
Au début de la 381e année de l’ère royale, une force expéditionnaire commanditée par la Couronne d’Yr et menée par l’intrépide Salvameroise Isabeau de Roucy foula pour la première fois de l’histoire connue le sol du lointain continent d’Ascandia. Annoncée dans les légendes de Salvar comme une île dangereuse regorgeant de secrets oubliés, Ascandia était beaucoup plus vaste que les géographes ne le soupçonnaient. Dès leur arrivée, les audacieux colons s’implantèrent sur un modeste îlot au large des côtes et en firent un poste avancé d’exploration des jungles. La Nouvelle-Salvar, comme on l’appela, devait adopter une vocation scientifique et commerciale et susciter toute l’attention de la cour royale de l’époque.
Or, au même moment sur la Vaste-Mer, la trêve entre Salvamer et le Duché des Crânes était officiellement rompue. Avec l’exécution sommaire de la duchesse des Crânes Néréia par l’Inquisition céleste avec le concours des seigneurs salvamerois, la reprise d’une guerre ouverte était inévitable. Dans les saisons suivantes, le conflit gagna en intensité et vit les légions et escadres des deux régions s’affronter violemment dans les marécages des Saulnières et sur les eaux de la Baie des Crânes. Profitant du chaos ambiant, le duc Scarletin de Fern manda la capitaine libre de Marmagne, Stella Abisso, de reprendre contact avec l’île de Marbelos -désormais hostile aux zélotes salvamerois- et de tracer un trajet rapide vers Ascandia. Grâce à cette route alternative, la capitaine Abisso put atteindre la rive occidentale d’Ascandia sans éveiller les soupçons des colons de la Nouvelle-Salvar. Ce n’est qu’à l’été 381 que la rumeur de la présence d’embarcations ébènoises dans la région fut énoncée avant d’être officiellement confirmée dans les cours ébènoises à l’hiver 382.
Contrairement à la Nouvelle-Salvar qui s’accroissait au rythme de l’arrivée lente et constante de colons par caravelles, l’évolution de Fort-Saphir se fit à un vitesse exceptionnelle grâce à l’envoi par le duché des Crânes d’une forteresse-flottante d’envergure conçue au Bastion de l’Union par les ingénieurs sarrens. Cette adaptation ébènoise des redoutables et colossaux Atak’Ebunaï ardarosiens pouvait transporter en son sein près d’un demi-millier de marins et travailleurs, quantité de matériaux et des armes, soit autant, sinon plus, d’effectifs et ressources en un seul voyage que ce que Salvamer avait pu envoyer en une année. À l’ordre du duc de Fern, la capitaine Abisso -désormais commandante de la colonie- reçut pour mission de transformer la forteresse-flottante en quartiers généraux et de développer un chantier naval s’approvisionnant à même les infinis réservoirs de bois de l’ouest d’Ascandia. Des rumeurs suggèrent que, au cours de la même année, des éclaireurs furent envoyés plus au sud et à l’ouest pour cartographier les côtes des anciens territoires des Éveillés sanguinaires, mais les autorités des Crânes s’abstinrent de confirmer, infirmer ou partager ce secret.
À l’été 383 survint la première rixe entre les milices de la Nouvelle-Salvar et l’armée du Fort-Saphir. Au 21e jour d’été, une cohorte de bûcherons des Crânes s’aventura dans les jungles occidentales afin d’y délimiter de nouvelles zones de coupe. Deux semaines plus tard, les sentinelles de Fort-Saphir découvrirent les cadavres de la dizaine de travailleurs à l’orée des bois, ceux-ci ayant été sauvagement égorgés par des lames tranchantes. Des traces d’un discret bivouac salvamerois furent retrouvées à proximité, confirmant les soupçons des autorités coloniales. Immédiatement, la commandante Abisso leva un contingent d’une centaine de marins en armes, longea les côtes nordiques du continent et entreprit de mener des représailles nocturnes et surprises sur la Nouvelle-Salvar. Heureusement, la troupe fut aperçue par des pêcheurs au large qui avertirent le gouverneur Orellio Merioro de la menace. Plutôt que de sonner le branle-bas-le-combat, il alla personnellement à la rencontre de son homologue des Crânes, puis la dissuada d’apporter sur le nouveau continent les guerres d’Ébène. Même si Merioro nia catégoriquement toute implication dans la mort des bûcherons de Fort-Saphir, il offrit en guise d’aide diplomatique des vivres et un cheptel de chèvres pyréennes adaptées au climat tropical d’Ascandia. Ce présent suffit à apaiser la colère d’Abisso et à justifier un retrait honorable de ses soldats. Cependant, une évidence s’imposait aux colons : tôt ou tard, les flammes de guerre embraseraient Ascandia.
XIII. ÎLE DE MARBELOS
Située à une distance intéressante pour être un relais entre Ébène et Port-Abondance dans les Terres des Roses, l’île de Marbelos est un pic rocheux isolé qui abrite désormais nombre de bannis, d’exilés, de criminels et d’hérétiques vivant en retrait de la civilisation célésienne d’Ébène. Réputée comme un antre accueillant toutes les perversions de ce monde, mais aussi comme un bazar regorgeant de produits controversés et interdits, l’île est souvent un lieu de rassemblement pour les marginaux.
En 378, le peuple du commun d’Ébène ignore tout de la vie sur Marbelos. Au fil des décennies, les voyageurs se rendant dans les Terres des Roses ont pris l’habitude d’éviter scrupuleusement les lieux, sachant que n’importe qui osant poser le pied sur cette île sera immédiatement ostracisé dans le royaume.
Situation géographique
L’île de Marbellos est à quelques jours de navigation au sud-est du Val-de-Ciel. Bien que l’endroit ne soit ni bien loin de la côte, ni exposé aux vents difficiles et aux tempêtes que le retrouve plus loin sur la Vaste-Mer, son accès s’avère fort complexe, autant en raison des pics rocheux ponctuant la mer dans cette région que des nombreux navires aux équipages sans foi ni loi qui y sévissent.
Reconnue comme un lieu de mauvaise fréquentation, l’île de Marbellos regorge de marins téméraires, aux intentions floues et à la loyauté chancelante. Les criminels et hérétiques ne sont pas rares sur les ports de l’île. Un navire étranger qui ne répondrait pas par le bon code de pavillon se verrait immédiatement abordé par les corsaires et pirates sans scrupule voulant taxer l’équipage. Malgré cela, les hors-la-lois patrouillant ces eaux ne semblent pas être des meurtriers. Un code “d’honneur” semble exister parmi ces individus afin que le voyageur qui souhaite se rendre à Marbelos puisse le faire en vie. Ainsi, commerçant, diplomate ou petit seigneur trouvera son chemin assez aisément jusqu’à Marbelos, pour autant qu’il y soit guidé par un habitué des lieux.
En dehors de ces connaissances communes, rien ne filtre de l’île. Depuis plusieurs décennies, seules des rumeurs aussi saugrenues les unes que les autres ne se rendent sur le continent. On raconte que bon nombre d’anciens chercheurs hérétiques du Zanaïr y auraient fui après la grande purge de leur académie, que des adorateurs d’un dieu païen et ténébreux y oeuvreraient et que des cabales criminelles tentaculaires parasitant le royaume y trouveraient leurs quartiers généraux. Or, la rumeur la plus folle est celle du Capitaine Felton et du Léviathan. Effectivement, des marins rapportent avoir aperçu depuis un demi-siècle un gigantesque navire de guerre émerger des brumes submergeant les environs de l’île. À la tête de celui-ci, l’ancien capitaine du duché des Crânes, Cornelius Felton, mènerait la chasse à certains audacieux s’aventurant un peu trop près de Marbelos une fois la nuit tombée. Les rumeurs ne disent pas pourquoi il prendrait un navire plutôt qu’un autre pour cible, mais on suggère qu’il chercherait à nourrir les démons des mers à qui il a vendu son âme.
Histoire
Pendant des siècles, l’île de Marbelos ne fut qu’un vulgaire bout de terre abandonné au large des côtes ébénoises sur la Vaste-Mer. C’est le commerçant Filipe Delorme qui, le premier, vit le potentiel de ce lieu en 314. Grâce à ses investissements importants dans la Marine de Carassin (qui deviendra éventuellement la Marine des Mérillons), il encouragea la colonisation de cet endroit désolé afin d’y fonder le Conglomérat de Marbelos lui permettant de raffermir l’emprise des autorités légitimes sur les mers de l’est. Immédiatement, il se heurta à la résistance des Contrebandiers des Écores, aussi dévoués à cette tâche. Après de nombreux affrontements sanglants et avec le début de la Guerre des deux Couronnes, les financiers de la guilde marchande jugèrent que le maintien des activités sur la lointaine île n’en valait la chandelle et en retirèrent leurs investissements.
C’est en 322 que Marbelos fut de nouveau au coeur des préoccupations des Ébénois. Suscitant l’intérêt du capitaine Isidore Renault, celle-ci devint la propriété du comté d’Émeraude, puis du duché des Crânes. Elle fut alors utilisée par la Pieuvre Rouge comme lieu de transition pour atteindre la côte Firmori pour le commerce et vit apparaître sur son sol une tour de guet construite par la main de la flotte en question. À la fin du conflit militaire qui, finalement, vit l’union d’Isadora Aerann et du Guérisseur couronné, plusieurs marginaux du royaume s’enfuirent vers l’île avec l’aide de certains éléments moins recommandables du duché des Crânes. Dès ce moment, les forces ducales se dissocièrent de la tangente dangereuse que prenait l’île et l’oublia, purement et simplement.
En 365, le successeur d’Hadrien Visconti (assassiné en 358) au titre de Connétable d’Ébène, Magellus Livard, décida unilatéralement que l’heure de mater Marbelos était venue. Ne demandant aucune autorisation au Monarque vieillissant, il leva quatre escadres de Salvamer -deux de l’Escroix de Salvar et deux du Duché des Crânes- afin d’aller éradiquer les malfrats de l’île lointaine. Le récit détaillé de cette bataille navale fut depuis perdu dans les dédales administratifs de la cité d’Yr, la Couronne semblant vouloir l’effacer des mémoires. Toutefois, personne ne put empêcher les marins bavards de raconter la débâcle militaire subie par la marine royale au large des côtes de Marbelos. Prise au piège dans un épais banc de brouillard, déchiquetée par des hauts-fonds indécelables et divisée par les haines tenaces entre les Salvamerois du nord et du sud, l’armada ne parvint même jamais en vue des rivages de la mystérieuse île. La Couronne envoya un dédommagement financier aux familles des disparus, le Connétable Livard fut renvoyé et on oublia cet événement.
Depuis cette bataille, l’île de Marbelos est “hors-limite” pour les Ébénois de bonne vertu. Effacée des livres d’histoire, aucun seigneur, ni même la Couronne d’Yr elle-même, ne souhaite y jeter l’ancre ou tenter de l’annexer. Tous savent que des Ébénois indésirables s’y rendent parfois afin d’approfondir leurs thèses hérétiques ou de chercher l’appui de criminels, mais cela n’a jamais atteint le point critique où les Régiments royaux devraient y être envoyés.
XIV. ÎLE FILII
L’Île Filii, ou Ira Roodi comme les Siludiens la nommaient autrefois, ou Île d’Ivoire comme les Ébènois l’appelèrent pendant des décennies, est un minuscule bout de roc et de sable balayé par les eaux de la Mer Blanche à mi-chemin entre l’Empire du Bouc et le royaume d’Ébène. Longtemps habitée par de riches esclavagistes du Silud, elle est désormais sous le contrôle du palatinat d’Avhor.
Jusqu’en 379, ce fut Charlène Froidver de la Marine des Mérillons qui y tint le rôle de gouverneur de l’Île d’Ivoire. Anciennement officière de l’escadre de la Canonnière à Fel, elle avait pour mission de maintenir les positions ébènoises avec une brigade confiée par la guilde et de rapporter aux autorités royales tout déplacement suspect des flottes impériales. Avec l’octroi d’une permission de commerce avec le Silud à la Compagnie des Trois Roses, associée de l’Union commerciale du Sud, la Marine des Mérillons a décidé d’abandonner la majorité de ses possessions sur l’île afin de ne conserver que la propriété du Fort d’Ivoire et de son quai. À l’été de la même année, après un siège houleux du bastion et la disparition de la gouverneure Froidver, les Mérillons abandonnèrent entièrement l’endroit aux Trois Roses. C’est le chapitre de la Foi local, sous la coordination du juge royal Valécien de Mont-Boisé, qui veilla à la sécurité des lieux et joua le rôle de poste douanier avec l’Empire du Bouc. Celui-ci devait assurer une communication constante avec l’ambassadrice officielle du royaume d’Ébène à Ouran-Berron, Isabeau DelHanse, chargée d’entretenir des liens diplomatiques avec l’Empereur du Bouc. Cependant, à l’été 380, après un bref siège lancé par surprise par l’Empire du Bouc, l’île tomba aux mains des fourbes siludiens. De fil en aiguille, l’île passa aux mains des Peuples libres siludiens, puis du palatinat d’Avhor et de la Banque libre d’Ébène.
En 384, c’est Tommaso Filii, fils de la réputée productrice d’armes Dolorès Filii et petit-neveu d’Augusto Filii, qui règne en roi et maître de l’Île Filii au nom de son oncle.
Situation géographique
Située à mi-chemin entre les contrées siludiennes et le royaume d’Ébène sur la Mer Blanche, l’Île Filii est le point de ravitaillement privilégié pour les navigateurs entreprenant le long voyage entre ces contrées. Autrefois sous le contrôle d’une famille siludienne, l’île abritait un domaine dont la magnificence faisait rougir les seigneurs d’Ébène. Cependant, un cataclysme ravagea ces installations, ne laissant pendant des siècles qu’une parcelle de leurs fondations. Lorsque les Ébènois reprirent contrôle des lieux au début du quatrième siècle, utilisèrent les ruines de marbre blanc afin d’élever leurs propres habitations et le bastion du Fort d’Ivoire. Malheureusement, à chaque année, les arpenteurs observent que les vagues et les vents marins rongent peu à peu les côtes de sable d’or, présageant la disparition éventuelle -dans un ou deux siècles- de l’île.
La population ivoirienne est essentiellement composée de quelques centaines de marchands et travailleurs de la Banque libre d’Ébène et de d’une garnison de soldats avhorois. Aucune culture ne pouvant être extraite des sables constituant les sols de l’endroit, c’est de la mer qu’est tirée la pitance des habitants. Pour tous les autres besoins matériels, les autorités dépendent hautement des importations en provenance du royaume d’Ébène, plus précisément des fournisseurs de la Banque libre en Jéranbourg et Felbourg-la-Cité. C’est grâce à cette importation de pierres des Crocs que put d’ailleurs être construit entre 357 et 363 le Fort d’Ivoire, principale fortification donnant sur le sud-est. Quiconque contrôle ce fortin est le véritable maître de l’île.
Plutôt modeste malgré le passage des nombreux navires marchands, le port de l’avant-poste fut restauré et agrandi à grands frais par la famille palatine d’Avhor à l’été 384. Trois quais permettent désormais aux marchands d’aller et venir sans être gênés par la présence d’un galion de l’Armada des Carats mouillant en permanence près des côtes. Un magnifique portail de pierre habilement ornementé de vignes et de raisins -rappel des armoiries Filii- accueille les visiteurs mettant pied à terre, message clair lancé aux Siludiens prétendant à la suzeraineté de l’île.
Histoire
L’Île Filii, ou “Ira Roodi” comme l’appellent les Siludiens des déserts, ou «Île d’Ivoire» comme elle fut nommée pendant des siècles avant la conquête avhoroise de 384, était avant le 3e siècle de l’ère royale une possession du Silud. Détenue par une riche famille d’Outank’Meraï (aujourd’hui Ouran’Berron) ayant fait fortune dans le commerce d’esclaves, ce minuscule bout de terre et de sable au milieu de la Mer Blanche servait de résidence privée et exotique. Cette famille -les Yeren’Jel- était à même de contester le pouvoir des plus importants clans siludiens et faisait du négoce d’influence et de faveurs leur principale arme.
Sur l’Ira Roodi, ces esclavagistes de renom firent construire une somptueuse villa fortifiée à la hauteur de leur réputation. À l’apogée de la dynastie, les murailles en pierres de sable ceinturaient l’entièreté de l’île et donnaient l’impression aux navires en approche qu’une forteresse dorée émergeait des eaux. À l’intérieur de ces fortifications, un palais de marbre blanc importé directement du royaume d’Ébène pouvait accueillir jusqu’à une centaine de convives et dignitaires, eux-mêmes accompagnés d’autant de serviteurs et esclaves. Enfin, s’élevant vers les cieux à l’est et à l’ouest de l’île, deux minarets de marbre blanc abritaient les trésors des Yeren’Jel. Ce sont ces magnifiques ouvrages architecturaux qui donnèrent le nom “d’ivoire” à l’île, ceux-ci rappelant aux voyageurs les défenses des narvals parfois croisés sur la Mer Blanche.
Les rapports des explorateurs et marchands ébènois soutiennent que le règne de la dynastie des Yeren’Jel sur l’Ira Roodi dura approximativement trois cents ans (bien qu’on ignore quel était l’état de l’île avant la Longue Année). Lors de la seconde moitié du 3e siècle de l’ère royale, le royaume d’Ébène délaissa fortement son commerce avec les nations étrangères. Privé de souverain ou dirigé par des princesses peu enclines à mener des missions hors des frontières ébénoises, les Ébénois interrompirent leur négoce avec les Siludiens. Ce n’est qu’en 301 que le prince Ferrinas II de Salvamer, ouvert sur le monde, décida de renouer avec l’exploration. Quelques mois plus tard, une flotte de l’Assemblée des Mérillons constatait la destruction totale des propriétés des Yeren’Jel sur l’île d’Ivoire. Selon les rapports d’enquête, l’endroit avait été balayé par une violente tempête doublée d’un raz-de-marée aux proportions inouïes. Sous l’impact du cataclysme, les murailles elles-mêmes avaient été abattues, permettant aux eaux d’emporter le palais et les minarets. Les sables, après quelques années seulement, avaient reconquis leur empire sur l’île, ne laissant poindre à sa surface qu’une poignée de ruines éparses.
Si ces observations satisfirent les esprits rationnels, certains sceptiques firent remarquer que l’absence totale de cadavres ou de squelettes -animaux ou humains- laissait croire à un phénomène surnaturel. Néanmoins, cela n’empêcha pas l’Assemblée des Mérillons de s’approprier l’endroit afin d’y établir un modeste port lui permettant de ravitailler ses navires. Étrangement, aucun membre de la famille Yeren’Jel ne se manifesta pour s’opposer à cette annexion passive. Par la force des choses, l’Ira Roodi devint l’Île d’Ivoire, terre ébénoise.
En 314, estimant que l’Assemblée d’Ébène délaissait le commerce siludien au profit des tractations avec la Ligue d’Ardaros, la famille Volpino de Salvamer décida de reprendre possession des lieux. Sous le regard passif de la guilde marchande, les fabricants d’armes salvamerois s’emparèrent de l’île et tissèrent de puissants liens avec des producteurs de soufre d’Outank’Meraï. C’est ce même soufre qui permit plus tard la conception des grandes quantités de poudre à canon utilisées par le camp de la princesse Isabelle lors de la Guerre des deux Couronnes. Cependant, au moment de la victoire des loyalistes du prince Élémas IV, les rebelles Volpino furent forcés à l’exil, abandonnant leurs positions sur l’île d’Ivoire. Pendant quelques années, le comptoir commercial fut ignoré des grandes guildes d’Ébène, seuls quelques marchands disparates y faisant halte. Avec l’augmentation des tensions entre les contrées désertiques et le royaume, il devenait de toutes manières périlleux de s’y aventurer.
À la fin de la Guerre de l’Avènement et avec la destruction des armées de Ferval, la Marine des Mérillons reprit le contrôle de l’avant-poste afin de surveiller les éventuels mouvements du nouvel Empire du Bouc siludien. Les clans du désert, désormais unifiés sous le joug d’un unique dirigeant, entretenaient toujours une haine tenace envers les Ébènois, mais ne laissaient transparaître aucun signe de volonté d’entrer en guerre avec ces derniers. Quelques échanges eurent donc lieu sur l’île d’Ivoire elle-même, mais personne n’osa se rendre jusqu’à Ouran’Berron afin de fonder une nouvelle route commerciale. En 378, l’île d’Ivoire tenait donc davantage un rôle de phare d’observation que de plate-forme commerciale.
Cependant, en 379, la Compagnie des Trois Roses, originaire de la Terre des Roses, fit halte sur l’île afin de réparer l’un de ses navires endommagé par une tempête en mer. La Marine des Mérillons vit immédiatement dans cette manoeuvre une manière de mettre un pied à terre sur place afin d’éventuellement ouvrir une route commerciale avec le Silud. Une proposition soumise à la Reine lors de l’Assemblée d’Ébène et voulant offrir une exception au commerce étranger à la guilde roseterroise confirmait ces appréhensions. Au printemps, l’établissement d’un Chapitre de la Foi sous le commandement du juge royal Valécien de Mont-Boisé vint concrétiser cette proposition. Estimant que le processus d’octroi de privilège commercial avait été teinté de corruption et de fraude, les autorités de la Marine des Mérillons abandonnèrent leurs propriétés de l’Île d’Ivoire en ne conservant qu’une mainmise sur le Fort d’Ivoire, placé sous l’hégémonie des seigneurs de Trenquiavelli. La chose fut de courte durée car, quelques semaines plus tard, une troupe des Trois Roses imposait un siège au Fort d’Ivoire. Las du mauvais traitement que leur réservait la Marine des Mérillons, les soldats du fortin se mutinèrent rapidement, remettant le contrôle entier de l’île à la compagnie. Entre temps, celle-ci, à l’initiative de Hugues Lemestiers, servait de point de ravitaillement vers la cité portuaire siludienne d’Ouran’Berron. Un comptoir commercial purement ébénois fut fondé en ces terres lointaines, permettant la reprise timide des échanges entre les deux nations. Cette initiative de l’Union commerciale du Sud permit même en 380 l’installation d’une ambassadrice ébénoise -Isabeau DelHanse- à la cour de l’Empereur du Bouc.
Or, dès le printemps de la même année, l’Empire révéla ses cartes. Accusant les Ébénois d’ignorer les incursions des pillards du Vinderrhin sur la Mer Blanche, l’Empereur du Bouc somma la Compagnie des Trois Roses de lui céder l’Île d’Ivoire. Devant ce qu’il considéra être un refus, il déploya sur place une flottille de guerre. Malgré la résistance des protecteurs célésiens, un contingent siludien parvint à mettre pied à terre et assiéger le Fort d’Ivoire. Celui-ci fut conquis à l’été, permettant à l’Empereur de lancer une attaque tout aussi surprenante que fourbe sur la côte occidentale du royaume d’Ébène. À la tête d’une armada de centaines de galères et de dizaines de milliers de soldats, il déferla vers Port-Casimir en Corrèse. Ce n’est qu’au prix de la vie de milliers de vaillants Ébènois que le géant des sable fut repoussé et l’Empereur éliminé. Néanmoins, à l’automne 380, l’Île d’Ivoire était sous le contrôle de l’ennemi.
Lorsque le royaume d’Ébène se fut remis de l’assaut du Bouc, des éclaireurs furent envoyés sur l’Île d’Ivoire afin d’y découvrir l’ampleur des forces hérétiques y étant stationnées. Avec la mort de l’Empereur, la loyauté des soldats siludiens était vacillante. Dans une opération conjointe entre l’Union commerciale du Sud et les rebelles des Peuples libres du Silud, une mutinerie fut donc organisée au coeur même de la garnison du Fort d’Ivoire, permettant la libération de l’avant-poste. Dans un démonstration d’amitié, sa propriété fut scindée en deux : l’UCS contrôlerait le port et les comptoirs marchands sous la supervision du Centenier salvamerois Cosme DeRovere tandis que les Peuples libres sous un certain Ferad occuperaient le fortin. L’entente perdura jusqu’à l’hiver 384 où les querelles commerciales ébènoises s’invitèrent sur place. Une délégation de la Banque libre d’Ébène, clamant l’illégitimité de l’UCS à administrer l’endroit, força l’expulsion de cette dernière dans les plus brefs délais. DeRovere parvint à gagner quelques saisons en faisant valoir des dettes dues par la Banque à l’Union, mais à l’été de la même année une armée avhoroise revint afin de faire justice. Brandissant un décret de l’Assemblée d’Ébène imposant l’annexion des avant-postes stratégiques aux Domaines de la Divine, les Filii boutèrent définitivement l’UCS hors de l’île. Peu après, après avoir pourtant annoncé leurs bonnes volontés à l’endroit des Peuples libres, les Avhorois et la Banque libre massacrèrent impitoyablement les Siludiens du Fort d’Ivoire. Selon le Seigneur-Palatin Augusto Filii, l’alliance de l’Empire du Bouc avec la Horde d’Horathot menant une guerre contre Corrèse était une raison suffisante pour traquer tous les Siludiens de ce monde. L’Île d’Ivoire étant pleinement sous contrôle ébènois, l’orgueilleux palatin avhorois la renomma «Île Filii» et entreprit de la fortifier avec l’assistance de la Banque libre d’Ébène. Officiellement, la propriété des lieux revenait à la Divine Adrianna, mais la nomination unilatérale du turbulent Tommaso Filii -neveu d’Augusto- semblait révéler les ambitions du palatinat des vignes.