démarche artistique

Historique de l’Enclave

L’Enclave fut fondée en 2014 par son premier organisateur et metteur en scène, Guillaume Bélisle. Au terme d’études à la Maîtrise ès arts en philosophie à l’Université d’Ottawa, celui-ci enseigna pendant trois ans cette même discipline au CEGEP de l’Outaouais. Il délaissa toutefois l’enseignement afin de retourner dans sa région natale du Centre-du-Québec et où il décida de se consacrer entièrement à sa passion pour le jeu de rôle et la pratique théâtrale. Cette ambition le mena jusqu’au Centre des arts populaires de Nicolet où il fut engagé à titre d’agent de développement culturel et communautaire en 2014. Grâce à la liberté créative accordée par cette position, il fonda la même année L’Enclave, une entreprise personnelle vouée au jeu de rôle grandeur nature et, à plus large échelle, à la pratique théâtrale. Le 7 juin de la même année, la première tractation d’Avènement rassemblait une quarantaine de participantes. 

Si les tractations d’Avènement furent et demeurent au coeur de l’offre d’activités de l’Enclave, elles permirent au fil des années la conception et la réalisation de plusieurs autres propositions uniques. Parmi ces événements -souvent d’inspirations historiques-, nous comptons Sous l’Oeil du Père (2017), Bunker (2018) et KUN (2020). Au total, en 2021, l’Enclave est à l’origine de plus d’une cinquantaine de représentations uniques. 

Néanmoins, le dynamisme de l’Enclave ne saurait se résumer à l’action de son metteur en scène. Avec les années, une véritable communauté de passionnées s’est constituée autour des propositions de l’entreprise. Grâce à elle, un bouillonnement créatif unique enrichit merveilleusement les scénarios mis en scène. Couture, écriture, peinture, illustration, musique, acting et photographie ne sont que quelques uns des arts et techniques mis à profit par les participantes. 

démarche artistique

Issue de la tradition du jeu de rôle grandeur nature (GN), l’Enclave promeut désormais ce qu’elle présente comme le Théâtre de l’incarnation. Le Théâtre de l’incarnation cherche à supprimer la distinction entre l’acteur et le spectateur, créant ainsi le «spect-acteur». L’expérience théâtrale n’est alors pas prise en charge par des comédiens manifestant à un public des émotions ou des messages, mais par des spect-acteurs incarnant par eux-mêmes, grâce à une liberté d’improvisation soigneusement balisée, des personnages. Le rôle du metteur en scène ne réside donc pas dans la direction ferme d’une troupe professionnelle, mais dans la coordination subtile et indirecte de participants d’horizons diversifiés à l’aide d’une partition aux multiples facettes.

Par ailleurs, en dehors de son désir de se rapprocher des pratiques et traditions théâtrales, le Théâtre de l’incarnation estime se distinguer du GN par la place fondamentale qu’il accorde à l’intention artistique de son (ou ses) metteur en scène. Les mécanismes de jeu, l’environnement et les univers mis en scène sont alors toujours subordonnés à cette aspiration fondatrice de transmettre et explorer une vision du Réel inédite. En somme, le Théâtre de l’incarnation reconnait la présence nécessaire d’un volet ludique à ses événements, mais en fait un outil parmi d’autres pour alimenter son intention artistique. 

En conformité avec la vision de son metteur en scène, l’Enclave aspire à explorer les thèses existentialistes et leurs postulats. Le Théâtre de l’incarnation devient alors un puissant outil permettant aux spect-actrices de ressentir le poids entier de leur liberté en action. Lors des événements, chaque décision porte en elle des conséquences futures qui définiront ceux et celles qui en sont à l’origine. Comme l’écrivait le philosophe Jean-Paul Sartre, l’humain est à sa naissance jeté au monde, privé d’un sens inhérent à son existence et condamné à être libre. C’est à lui, par ses actions et les nécessaires réactions qu’elles provoquent, de se choisir face aux forces de ce monde.

Le Théâtre de l’incarnation, par la place centrale qu’il accorde à la liberté des participantes, est le média idéal pour mener cette démonstration et agir à titre de laboratoire philosophique et artistique. Par la conception de scénarios cohérents et nuancés moralement, l’Enclave souhaite renforcer cette expérience profondément humaine ressentie lors de l’incarnation des personnages. En somme, par l’incarnation de personnages actifs au sein de récits soigneusement mis en scène, l’Enclave tente de faire éprouver la complexité de l’humanité elle-même.