LES CORPORATIONS COMMERCIALES

I.BANQUE LIBRE D'ÉBÈNE

Quartiers-généraux : Gué-du-Roi, Laure

Devise : “Nulle dette ne souffre”

Secteurs d’activité : Prêts, investissements, respect des contrats et mercenariat


Avant que le Sang’Noir ne ravage les terres, la métropole de Felbourg-la-Cité constituait l’une des principales foires marchandes des landes. La famille Aerann, dont le patriarche était duc de la région, avait un don pour la coordination et la gestion des affaires commerciales. Au fil des décennies, la maison Aerann avait accumulé une fortune considérable et pouvait, si elle le souhaitait, faire compétition aux richissimes marchands de Salvar et de Vaer (désormais Gué-du-Roi). Cependant, quand le sombre mal en provenance de la forêt d’Ébène frappa à sa porte, la famille ducale abandonna son palais de Fel et se réfugia dans les montagnes des Crocs afin d’échapper à la damnation. Au lendemain de cette infamie, le pouvoir politique de Fel fut récupéré par la famille Lobillard tandis que les immenses ressources financières des déserteurs échurent à la maison Ogrig.

Flairant la convoitise des Lobillard, le patriarche Ogrig de l’époque, Rolph dit le Hardi, acheta à bon prix une flottille de barques et de gabares et chargea celles-ci des marchandises et richesses laissées derrière par les Aerann. Moins d’une semaine plus tard, il profitait du couvert de la nuit pour remonter le cours du fleuve Augivre avec ses cargaisons. Sa destination fut la foire marchande de Vaer, à plusieurs lieues à l’Est de Fel. Malgré la fermeture des portes de la ville fluviale en temps de Sang’Noir, la famille ducale de l’époque, les Torrig, accepta exceptionnellement la venue de Rolph entre ses murs. Rapidement, celui-ci liquida quantité de ses produits et, tout en augmentant considérablement sa fortune personnelle, devînt un héros parmi le peuple affamé par le Sang’Noir.

Lorsque la Longue Année fut terminée, le marchand Ogrig usa de toute son influence auprès de la nouvelle famille régnante de Vaer -les Lacignon- afin d’obtenir le contrôle et la gestion du port fluvial de la cité. À partir de ce moment, Rolph déploya tout au long de l’Augivre et de la Laurelanne un réseau de gués accueillant ses barques marchandes. Sa stratégie était aussi simple qu’efficace : mettre à la disposition des artisans et des travailleurs ses embarcations en échange d’un pourcentage de leurs profits. Par cette méthode, il s’insinua dans l’ensemble des affaires commerciales de l’ouest ébénois et décupla son patrimoine. Grâce aux innombrables carats qu’il accumula, il inaugura peu avant sa mort la première banque du royaume, coeur de sa puissante guilde. Jusqu’en 318, la famille Ogrig fut parmi les trois plus richissimes maisons du royaume.

En 318, Rodrick Ogrig et Gustaf Aerann, dirigeant de la Guilde des Francs-Marchands en Fel, se rencontrèrent à l’occasion de la troisième foire de Fel. Lors de ce sommet, les deux hommes convinrent que l’heure était venue de restituer à leurs propriétaires les anciens avoirs des Aerann détenus par la Banque d’Ébène depuis trois siècles. Affaiblie à la suite de nombreux scandales, Ogrig n’eut d’autre choix que d’accepter. En ce jour historique, les deux hommes signèrent la “Franche alliance”, contrat dans lequel la Banque d’Ébène et la Guilde des Francs marchands fusionnaient en une seule et même entité commerciale, la Guilde franche d’Ébène. En toute magnanimité, Aldrick Aerann, palatin de Felbourg, décréta le même jour que la métropole de l’ouest devait désormais être sous la guidance de cette nouvelle entité marchande et que Gustaf Aerann, son fils, en serait le comte.

L’aventure de la Guilde franche d’Ébène dura près de cinq ans. Grâce à ses nombreux partenaires partout dans le royaume, l’organisation assimila une à une ses opposantes, devenant la plus gigantesque force commerciale de l’ère royale. Or, en 322, celle-ci s’écroula subitement sous les pressions internes et les attaques de ses adversaires de l’est. On découvrit que les fonds de la Guilde franche étaient fréquemment détournés afin de nourrir les coffres des Aerann de Fel. Plus encore, on apprit qu’elle avait, des années durant, vendu du bois aux seigneurs du Vinderrhin. Bois qu’ils utilisèrent ensuite afin de construire une flotte d’invasion du royaume. Un à un, les partenaires de la Guilde franche se dissocièrent d’elle et regagnèrent leur indépendance. La Banque d’Ébène ne fit pas exception à ce mouvement.

Incertaine de son avenir, la Banque erra pendant plusieurs mois. De Felbourg-la-Cité, elle déménagea à Gué-du-Roi puis à Pyrae. Finalement, à l’initiative du riche marchand Francesco Cuccia, elle revint définitivement à Gué-du-Roi lors de la Guerre de l’Avènement. Elle prit alors une nouvelle orientation qui devait la définir pour les cinquante années suivantes. Profitant de l’insécurité ambiante à Gué-du-Roi et de son nouveau statut de ville hôte des forces républicaines, la Banque s’associa les services de Vassili de Vignolles de la compagnie mercenaire des Mille Bannières afin de rapatrier dans la cité des milliers de reîtres en provenance des différents palatinats. Enfin, elle se lança dans la gestion du mercenariat. Mélangeant les prêts à usure, la location de légions guerrières et les investissements dans des secteurs stratégiques du royaume (ex : les écluses de la Laurelanne), la Banque devint officiellement la gestionnaire des finances de Gué-du-Roi.

La Guerre de l’Avènement nourrissant les peurs et les besoins en services de protection, la corporation s’enrichit considérablement au cours du conflit. Plus encore, grâce à ses politiques monétaires judicieuses et son réseau de contacts, elle parvint à restructurer l’économie de Gué-du-Roi pour en assurer la survie malgré les assauts des Monarchistes. Au terme de la guerre, lorsque Gué-du-Roi fut officiellement consacrée en tant que cité franche, la guilde devint la « Banque libre d’Ébène », principal organe de financement du camp patricien. Plus encore, afin de consolider sa position dans le royaume, elle se rapprocha de la Couronne afin d’en devenir l’une de ses principales bailleuses de fonds. 

L’instabilité politique du royaume d’Ébène en 381 devait toutefois ébranler puissamment les fondations de l’institution. Dans les années précédant la période connue comme “l’Aube des peuples”, la Banque libre d’Ébène avait accumulé les investissements -parfois agressifs- partout sur le continent : prise de contrôle du Pacte d’Agisborough en Cassolmer à la suite de la guerre de l’opium, mise en tutelle de l’association des hydromelleries de Treia en Avhor, gain de territoire sur l’île de Kessa, alliance avec les Pharmacies de Sabran pour des prêts aux malades, etc. Grâce aux décisions éclairées d’un ambitieux négociant du nom d’Eliott Voss, la Banque connaissait une expansion effrénée. Or, lorsqu’éclata la guerre civile de Laure -la Guerre des deux Croix-, Voss recommanda à la la Grande Banquière Lucrezia Cuccia et aux pairs-électeurs de la corporation de prendre officiellement le parti de la famille Blancgivre-Torrig lors des affrontements. Un embargo stratégique sur Gué-du-Roi et un gel des avoirs des Lacignon et de leurs partisans furent mis en place afin de saper les fondements de l’économie des pouvoirs en place. 

La réplique à cette initiative fut immédiate et violente. Dans le duché de Fel, allié des Lacignon et des patriciens de Gué-du-Roi, le duc Friedrich Aerann ordonna à ses armées de piller les propriétés de la Banque libre en Felbourg-la-Cité. La force de l’institution était sa neutralité et, en se ralliant aux Blancgivre-Torrig, elle avait éliminé son unique protection contre ses voraces adversaires. Dès que la nouvelle de ce pillage se répandit dans le royaume, l’empire scrupuleusement construit par la Banque s’effondra tel un château de cartes : le Pacte d’Agisborough fit un rachat hostile de ses dettes et expulsa les banquiers de son territoire, plusieurs marchands et négociants firent défection au profit de la République marchande de Havrebaie nouvellement fondée, sa branche de production et de vente d’armes d’Yr lui tourna le dos, etc. Ce n’est qu’à la fin de la Guerre des deux Croix, grâce aux concessions favorables obtenues par les Blancgivre-Torrig et à l’aide financière inespérée de l’Union commerciale du Sud que la Banque libre put survivre à cet épisode sombre de son histoire. 

Après ces événements, la Banque libre d’Ébène perdit grandement perdu de son lustre. Autrefois une actrice incontournable dans l’économie de toutes les régions ébènoises, elle n’entretenait plus que de modestes comptoirs de prêts et de transports dans les grandes cités. À Laure, elle continuait néanmoins de s’acquitter de ses tâches traditionnelles à Gué-du-Roi -la Grande Banquière la Grande Banquière Lucrezia Cuccia étant aussi le Trésorière de la ville. En ce sens, le pari d’Éliott Voss avait été gagnant : nul ne pouvait contester la primauté de la corporation sur le sol laurois. Ailleurs, elle prêtait régulièrement de coquettes sommes à d’ambitieux Ébènois. Artisans inaugurant leur échoppe, seigneurs levant une armée, prêtres édifiant un beffroi et explorateurs en quête de nouveaux mondes figurent tous indistinctement parmi leurs clients. Toutefois, si ces clients venaient à se montrer incapables de s’acquitter de leurs dettes, les mercenaires de Milles bannières veillaient à rendre justice. Effectivement, l’éclatement du royaume d’Ébène en 382 fut pour la Banque libre une remarquable opportunité pour diversifier ses affaires. Nombre d’officiers des anciens régiments royaux se trouvant désormais sans emploi, et les seigneurs-mercenaires de Guethier -dans le nord de Laure- embrassant un mode de vie aristocratique, des centaines de militaires se tournèrent vers la compagnie des Mille bannières à Gué-du-Roi. Fortement financée par la banque, celle-ci connut une expansion fabuleuse qui permit indirectement de réaffirmer la présence de la corporation dans les plus hautes sphères du pouvoir ébènois. Dans les rangs des Mille bannières, de redoutables guerriers agissent tantôt à titre de fiers à bras prêts à tout pour obtenir leur solde, tantôt de soldats organisés en contingents. Ceux-ci veillent désormais autant à servir les intérêts de la Banque libre -qui jamais n’oublie un paiement à son endroit- que ceux des individus lésés dans le cadre d’un contrat quelconque.

Cependant, l’essor fulgurant de la République marchande de Havrebaie ne manqua de se faire sentir sur les opérations de la corporation. Dynamisées par les initiatives du négociant laurois Matteo Vera, les activités de Banque poussaient de nombreux investisseurs à réaffirmer leur confiance envers l’institution. Par la création du Domaine des Glaces en Laure ou l’acquisition de quais et entrepôts sur l’Île aux Boustrophédons, Vera semblait en voie de faire du commerce avec le Vindherrin la nouvelle manne de la banque. Or, à l’été 384, ces prévisions s’effondrèrent soudainement lorsque Matteo Vera exposa sa volonté de faire défection au profit de la République marchande de Havrebaie. Peu après, la Banque banquière annonça officiellement qu’elle rapatriait stratégiquement les actifs de la banque à Gué-du-Roi en délaissant les régions limitrophes et campagnes lauroises. Officiellement, elle souhaitait ainsi rehausser la confiance de ses clients en garantissant une sécurité accrue des installations dans la Franche-Cité. Les plus cyniques ne manquèrent pas d’y déceler une conséquence de l’expansion de l’influence havrebéenne à Laure. Aujourd’hui, la Banque libre a donc diminué les services offerts dans ses comptoirs hors de la capitale lauroise. Heureusement, afin de compenser ces reculs, la Banque libre a annoncé récemment un retour fracassant dans le Duché de Fel grâce aux ententes signées par le marchand Scio Aiguevive. Dans la région de Lotec, elle a installé les quartiers de son Prêteur-Électeur du nord d’Ébène. Par ailleurs, ses alliances nouvelles avec Avhor lui ont permis de prendre possession de l’Île d’Ivoire – renommée Île Filii- sur la Mer Blanche, un point stratégique du commerce avec l’occident. À l’automne 384, l’avenir de la Banque libre semble donc toujours précaire, même si de nouvelles opportunités inattendues s’ouvrent à elle. 

II.MARINE DES MÉRILLONS

Quartiers-généraux : Trenquiavelli, Avhor

Devise : “Par-delà les mers”

Secteurs d’activité : Commerce maritime avec l’étranger, produits de luxe et exotiques


La traversée des deux mers ceignant le royaume d’Ébène fut de tout temps un défi pour les navigateurs. Le succès d’une telle entreprise découle autant de l’expérience des marins, de la robustesse des navires et de la faveur des courants océaniques. De tous les capitaines ébènois, ce sont les descendants des Mérillons –Avhorois et Salvamerois- qui ont su le mieux dompter les dangers du large. Avant le Sang’Noir, nombre des marchands négociant avec l’étranger revêtaient la cape de pirates et de flibustiers pillant autant les cales des boutres ardarosiens que les entrepôts côtiers des baronnets de Salvamer. Par leur intermédiaire, des produits exotiques faisaient leur entrée sur le marché ébènois et se frayaient un chemin jusqu’aux plus nobles cours des landes ; la piraterie était la condition nécessaire au luxe des aristocrates.

Toutefois, quand le Roi-Prophète entreprit de structurer le royaume autour des seigneurs-palatins et de la Cité d’Yr, il devint périlleux pour les bandits des mers de poursuivre leurs activités illicites. Afin de sceller le sort de ces criminels, Vittario Acciaro, seigneur-palatin de Salvamer de l’an 18 à 36, embaucha officiellement à la vingt-et-unième année de notre ère l’un des capitaines pillards sévissant sur la Vaste-Mer afin de combattre ses semblables. Le flibustier Horacio le Flamboyant, tel qu’il aimait se faire appeler, s’empara des ducats des Acciaro et convoqua à Pyrae –archipel neutre- une assemblée des capitaines de l’Est. À force de tractations et de pots-de-vin, il persuada ses homologues de s’unir en une seule coalition apte à monopoliser légalement le commerce extérieur du royaume d’Ébène. Bien sûr, une poignée de criminels résistèrent à la formation de cette nouvelle alliance, mais ils furent promptement écrasés par les forces coordonnées de la nouvelle puissance commerciale. Horacio le Flamboyant fondait ainsi en l’an 22 l’Assemblée des Mérillons.

La croissance fulgurante de la guilde marchande contribua au maintien de l’ordre fragile qui la soutenait. Effectivement, habitués à la liberté du marin et à la frénésie des pillages, plusieurs capitaines de l’Assemblée poursuivirent clandestinement leurs opérations illégales afin de maximiser leurs profits. Cependant, les attraits de la criminalité s’estompèrent rapidement lorsqu’ils constatèrent qu’ils pouvaient –à bien moindres risques- réaliser des profits faramineux en revendant à hauts prix les produits rares acquis dans les marchés ardarosiens. Les dangers inhérents au pillage ne pouvaient que s’évanouir devant les promesses d’un monopole commercial. Nul ne pouvait traverser les mers comme le faisaient les Mérillons de l’Assemblée et nul n’était en mesure de leur faire compétition en ce domaine. L’intégration de Pyrae au royaume d’Ébène en l’an 105 ne fit que consolider le pouvoir de la guilde à l’Est, l’archipel lui servant désormais de fenêtre sur les richesses d’Ardaros.

En 319, à la suite de la montée fulgurante en puissance de la nouvelle Guilde franche d’Ébène basée à Fel, l’Assemblée des Mérillons perdit peu à peu de son influence au sein des marchés ébènois. La plupart de ses ports d’attache orientaux subissant la menace d’une invasion maritime par les forces princières et les eaux de la Vaste-Mer grouillant de pirates et de contrebandiers, la flotte marchande ne pouvait plus rentabiliser ses activités. Pour cette raison, elle se tourna vers la Marine de Carrassin d’Avhor. Regroupement commercial maritime et côtier officiellement fondé par Alvaro de Trenquiavelli et Bartholomeo Souard en 314, la Marine de Carrassin semblait être un partenaire d’affaires tout indiqué pour les Mérillons. L’entreprise, installée dans le palatinat d’Avhor, visait d’abord et avant tout le développement et la protection des réseaux maritimes de la Vaste-Mer et de la Mer blanche et l’acheminement sécuritaire, efficace et légal des ressources sur le continent. De plus, par son fondateur, l’ancien comte de Trenquiavelli, également surnommé le Carrassin d’Or, la compagnie était déjà en alliance directe avec l’Assemblée des Mérillons avec qui elle partageait des objectifs communs.

Ainsi, en 319, Shala Omhenaï, la Grande amirale de l’Assemblée des Mérillons, rencontra ses homologues de Carrassin. À l’issue de cette réunion, l’ensemble des intervenants durent se rendre à l’évidence que leur survie passait par une fusion de leurs activités. En plus de la guerre civile en cours et des menaces de la Vaste-Mer, de nombreux individus hauts-placés de la Marine de Carrassin avaient commencé à prendre leur distance par rapport à la compagnie afin de se concentrer à leurs propres affaires. C’est donc à la fin de la même année, alors que les assauts pirates se multipliaient sur les routes commerciales liant l’Ébène à Ardaros, que l’union entre les deux marines fut scellée. Ainsi naissait la Marine des Mérillons.

Lors des années suivantes, l’essor inquiétant sur la Vaste-Mer de l’organisation connue sous le nom de « L’Ordre » provoqua de nombreux remous au sein de la Marine. Confrontée à ces pirates fanatiques voués au renversement des gouvernements d’Ébène, la guilde marchande dut engloutir des sommes colossales pour préserver son hégémonie commerciale. Ironiquement, les enquêtes ultérieures devaient prouver que les capitaines de l’Ordre, ennemis mortels des Mérillons, étaient souvent infiltrés à même l’organisation, jouant de ce fait sur les deux tableaux. Néanmoins, en 323, après des luttes acharnées, les légions de la Marine parvinrent à poser le pied sur l’île de Corail, à mi-chemin entre l’Ébène et la Ligue d’Ardaros. Il fallut ensuite près de deux décennies de combats sanglants dans les jungles de ce bout de terre tropical pour que les Mérillons reprennent le contrôle aux mains des derniers criminels résistants. Ce fut Didius Falco, Commodore de la guilde, qui mena ces batailles acharnées.

Grâce à son contrôle des avant-postes sur la Mer blanche et la Vaste-Mer et à un monopole commercial garanti par le Monarque lui-même, la Marine des Mérillons maintint une emprise complète sur les échanges avec les nations étrangères pendant près d’un demi-siècle. Lorsque la Reine Adrianna succéda à son père, l’hégémonie de la Marine commença toutefois à se fissurer. Sur la Mer blanche, la compagnie roseterroise des Trois Roses -filiale de l’Union commerciale du Sud- obtint un droit de commerce avec l’Empire du Bouc, brisant partiellement le monopole des Mérillons avec l’étranger. En 379, sur l’île d’Ivoire, les rixes entre les deux corporations dégénérèrent en conflits armés menant à la cession de ce comptoir à l’UCS. Par la suite, lorsqu’éclata la sainte guerre de reconquête de la Lance d’Ardar, la Marine vit ses possessions et propriétés de la Ligue de Kessa être saisies par les soldats d’Ébène et les rebelles pyréens, compromettant l’entièreté de son négoce sur la Vaste-Mer. Finalement, de l’avis de plusieurs observateurs, la conclusion d’une paix avec la Ligue d’Ardaros en 381 se fit largement sur le dos des intérêts de la corporation. Effectivement, le traité stipulait la cession de l’île de Corail et des navires y mouillant -propriétés de la Marine-, l’imposition d’un lourd tribut de bois d’Ébène et la perte de plusieurs possessions aux mains de la jeune Ligue indépendante de Kessa. Ce n’est que par l’intervention salvatrice des marchands de la famille Saïd -Layla et Samir en tête- que les intérêts de la corporation purent être assurés au sein du nouveau Palatinat de Pyrae, ceux-ci faisant le lien entre tous les intervenants des îles orientales. 

Avec l’éclatement du royaume d’Ébène et la montée d’une multitude d’intérêts politiques sur les mers en 382, la Marine des Mérillons a fait le choix stratégique de délaisser le commerce intérieur pour se concentrer presque exclusivement sur le contrôle des voies maritimes vers l’étranger et l’importation et l’exportation de produits luxueux et exotiques. Très peu d’artisans et d’industries se réclament de la corporation, celle-ci se contentant de jouer un rôle d’entremetteuse entre acheteurs et vendeurs dans les régions. Celle-ci a tissé de profonds liens autant avec les Palatinats de Pyrae, Salvamer et Avhor, de même qu’avec le Duché de Fel à la suite des entreprises fructueuses de la maison Cuthburg. Grâce à ces associations, ses navires marchands sont fréquemment escortés par des galions et frégates obéissant aux ordres des hauts seigneurs. C’est toutefois sur le mystérieux continent d’Ascandia et dans la colonie de la Nouvelle-Salvar qu’elle fonde ses plus grands espoirs. Ainsi, l’incandescia d’Ascandia, les lainages de la Terre des Roses, les encens et herbes du Silud et les manuscrits d’Ardaros trouvent, par l’entremise de la guilde maritime, le chemin des boutiques des terres d’Ébène. En échange, la Marine revend dans les commerces étrangers les produits uniques ébènois : essences d’arbres rares de la forêt d’Ébène, vins d’Avhor, machineries de Fel et chevaux d’élevage de Sarrenhor, etc. Cependant, même en se concentrant sur le commerce extérieur, la Marine fait aujourd’hui les frais de l’expansion des activités de ses compétitrices. Que ce soit au Vinderrhin où les Havrebéens ont su se rendre essentiels aux guerres nordiques ou à Fel où la Banque libre d’Ébène a récemment fait un retour en force, les avantages stratégiques de la corporations semblent peu à peu se volatiliser. Avec la démocratisation des navires en haute-mer et des armes à feu, et la hausse des tensions avec les nations étrangères, l’unique réel privilège de la Marine semble aujourd’hui résider dans ses périlleuses entreprises d’exploration telles que les aventures d’Isabeau de Roucy autour du monde. 

Heureusement, en dehors du commerce maritime, la Marine des Mérillons comprend parmi ses membres les plus éminents les familles Merizzoli et Di Ontano de Salvamer, responsables de la fabrication des carats. Ces joailliers uniques assurent des entrées d’argent récurrentes dans les coffres de la corporation et jouissent d’un prestige indéniable auprès des capitaines Mérillons supervisés par la Grande amirale Orietta Casielli. Les principaux entrepôts de la Marine des Mérillons quant à eux se situent sur les berges de la Vaste-Mer, plus précisément à Avhor, dans le comté de Trenquiavelli.

III. UNION COMMERCIALE DU SUD

Quartiers-généraux : L’Arsenal, Corrèse

Devise : “Défricher la route”

Secteurs d’activité : Commerce intérieur de matières premières et secondaires


Autrefois, le commerce terrestre dans les plaines de l’Orrhindas, dans le sud du royaume, était assuré par une organisation du nom de “Guilde d’Arianne”. Fondée en l’an 54 à Cellryn, en Cassolmer, les activités de la guilde se concentraient autour de l’exploitation et de la distribution de matières premières. Par de judicieuses tractations politiques et économiques, cette organisation fut achetée en 319 puis intégrée au réseau commercial de la Guilde Franche d’Ébène, établie à Fel, jusqu’au démantèlement soudain de cette géante du commerce quelques années plus tard.

Privés de cette représentation économique, les marchés du sud du royaume furent momentanément désorganisés et bien des surplus d’inventaire furent perdus ou vendus à perte de crainte d’être gaspillés (lorsqu’ils ne furent pas tout simplement rachetés par le crime organisé). Historiquement, les Salvamerois, Avhorois et Felbourgeois, par leur ouverture sur les marchés étrangers, développèrent une certaine fibre marchande, leurs populations aiguisant toujours davantage leur sens des affaires. Cette tradition mercantile était toutefois beaucoup plus faible dans les territoires s’étendant entre Corrèse et Cassolmer, pour la plupart soucieux d’atteindre l’autosuffisance dans un objectif politique.

En 321, l’idée de regrouper les marchands des palatinats méridionaux germa simultanément dans l’esprit de plusieurs négociants. L’impulsion initiale vint de la région de Mordaigne, au nord de Corrèse, puis trouva de nombreux alliés au Sarrenhor et au Val-de-Ciel. Ces trois palatinats, ayant connu plusieurs conflits territoriaux dévastateurs par le passé, étaient prêts à explorer de nouvelles avenues. En partageant les ressources de leurs terres par un commerce structuré et respectueux, les fondateurs espéraient voir émerger de nouvelles pratiques. Éventuellement, les discussions s’élargirent afin d’intégrer Cassolmer, marginalisée depuis des décennies, et Pyrae, cherchant ponctuellement à financer des initiatives rentables. C’est lorsque survint l’invasion du Vinderrhin et que l’implication de nombreux marchands de l’ancienne Guilde franche d’Ébène dans la création de leurs flotte et armées fut découverte que le ras-le-bol fut suffisant chez les gens du Sud pour que l’Union commerciale du Sud voit le jour.

Initialement, l’Union défendit bec et ongle les intérêts de ses membres. Organisation prioritairement confinée à une zone géographique du royaume, elle ne se souciait ni du commerce avec l’étranger, ni des crises économiques du nord du pays. Le bois de Corrèse était échangé à prix avantageux pour du blé du Sarrenhor, tout comme les poissons de Cassolmer se frayaient un chemin immédiat vers les cuisines des carrières de pierres du Val-de-Ciel. Le déclenchement de la Guerre de l’Avènement devait toutefois brouiller les cartes et menacer la bonne entente entre les partenaires commerciaux. Si les Sarrens et Corrésiens de l’est prirent le parti des Républicains, les Valéciens et plusieurs Cassolmerois se rangèrent aux côtés du Guérisseur couronné. Les événements devaient donner raison à ces derniers, mais les choix judicieux qu’effectuèrent les premiers en matière de commerce allaient assurer la pérennité de l’Union après les affrontements.

Effectivement, dès 323, un influent négociant corrésien du nom de Vlado Trifoni entreprit l’édification d’un arsenal commercial incontournable. Construites à proximité du lac de la Croisée, à la jonction des territoires corrésiens, laurois et felbourgeois et de la cité de Mordaigne, ces installations jouaient le rôle de poste douanier au sud-ouest du royaume. Toutefois, l’ambition de Trifoni ne se limitait pas à ces infrastructures. Tout en gérant quotidiennement le flot de marchandises circulant sur ses terres, il conclut une multitude de traités commerciaux contraignants avec des marchands de tout Ébène. Monarchistes comme patriciens figuraient indistinctement parmi ses clients de sorte que, au terme du conflit, tous entretenaient des relations, intimes ou ténues, avec l’Arsenal.

Avec l’appui des seigneurs corrésiens et du Sarrenhor, le complexe commercial formé par Mordaigne et l’Arsenal devint définitivement le cœur de l’Union commerciale du Sud. Non plus limitée au sud du royaume, l’organisation s’était assurée une place de choix dans tout le pays. Grâce à la création de nouvelles routes, l’acquisition de guildes mineures vouées à l’exploitation de matières premières et à la construction de postes de traite, l’Union devint une actrice incontournable en Ébène. Son principal exploit fut de prendre en charge l’édification des nouveaux chapitres de la Foi exigés par le Monarque au lendemain du Concile de Porte-Sainte, ce qui lui permit d’affirmer sa réputation autant auprès des religieux que de l’aristocratie.

Les années 380 et 381 virent la consécration de la corporation commerciale en terres célésiennes et au-delà. Hugues Lemestiers, un Roseterrois de la Compagnie des Trois Roses, fut le fer de lance de cette croissance exponentielle des activités. Rassemblant autour de lui des marchands d’horizons diversifiés et faisant habilement jouer ses relations politiques, son équipe contribua à la réactivation de la route commerciale avec l’Empire du Bouc, à la saisie de l’Île d’Ivoire aux mains de la Marine des Mérillons, à l’implantation de multiples nouveaux comptoirs autant dans le sud que dans l’archipel d’Yr, à la valorisation des ouvriers et travailleurs dans le cadre de la guerre sainte contre Ardaros et à la restauration d’un axe marchand majeur liant Porte-Chêne en Corrèse à la Baie-aux-Noyés en Cassolmer (la Route de l’Union). À partir de la Cité d’Yr -et plus précisément du quartier du Marais- où l’UCS renforçait ses liens avec le petit peuple délaissé par les grandes corporations, Lemestiers et ses nombreux alliés firent la promotion d’une vision de l’économie basée sur le libre-marché et la saine concurrence. En 383, le redessinage de la Route Céleste allant de la Cité d’Yr à Lys d’Or au profit des comptoirs de l’union vint compléter le grand projet des marchands de l’UCS ; lier l’entièreté du royaume par des routes sécuritaires et modernes. 

Tout comme ce fut le cas pour la Banque libre d’Ébène et la Marine des Mérillons, les troubles à l’origine de l’Aube des peuples en 382 provoquèrent des remous importants au sein de l’UCS. Si elle entretient toujours des liens privilégiés avec les Peuples libres du Silud, elle est complètement coupée de l’Empire du Bouc et de la Légion de l’Harmattan en raison de son implication dans la dislocation de l’empire. En 384, la capture de l’Île d’Ivoire -renommée Île Filii- par les forces coalisées de la Banque libre d’Ébène et d’Avhor infligèrent un important coup aux routes commerciales restantes de l’Union avec les Peuples libres du Silud. Plus encore, la reprise des conflits à Corrèse contre la Horde d’Horathot compromit la stabilité du commerce à l’Arsenal, faisant craindre pour la sécurité des quartiers-généraux de l’organisation. Enfin, l’avènement de la République marchande de Havrebaie mena plusieurs négociants à déserter les rangs de l’UCS au profit de la nouvelle corporation. Enfin, la fluctuation imprévisible de la politique des clans sarrens compromet quotidiennement la sécurité de la Route de l’Union. Néanmoins, elle fut globalement épargnée par le chaos ambiant, allant jusqu’à voler au secours de la Banque libre d’Ébène à Laure au lendemain de sa débâcle dans le cadre de la Guerre des deux Croix. 

Aujourd’hui, nul ne peut ignorer l’influence de l’Union sur le marché des matières premières et secondaires ainsi que du transport de marchandises. Produits agricoles, minerai de fer, blocs de marbre, billots de bois et fruits de la pêche ne sont que quelques exemples des ressources transigées dans les innombrables postes et entrepôts de l’organisation. Avec l’ajout de partenaires à Salvamer et dans le nord, des produits plus raffinés tels des étoffes et des alcools prisés ont fait leur apparition dans les stocks de l’entreprise. En raison des prix privilégiés offerts à ses membres, les guildes régionales de constructeurs, maçons, forgerons et autres artisans s’affilient aussi fréquemment à l’organisation de sorte que plusieurs hauts seigneurs en sont devenus clients. 

Néanmoins, la nature décentralisée de l’Union -la direction de la guilde de l’Arsenal n’exigeant que peu de frais d’adhésion et de taxes et limitant l’imposition de règlements- constitue à la fois sa force et sa faiblesse. Attrayante par la liberté qu’elle offre à ses membres, elle est dans l’incapacité de mobiliser massivement des capitaux et armées. C’est donc par des alliances stratégiques, des ententes durables et une bonne dose d’espoir qu’elle maintient sa croissance.

IV. RÉPUBLIQUE MARCHANDE DE HAVREBAIE

Quartiers-généraux :  La République sérénissime de Havrebaie

Devise “Le jour se lève doré d’opportunités”

Secteurs d’activité Produits agricoles, armes à feu, commerce avec le Vinderrhin, commerce intérieur de métaux


La République marchande d’Havrebaie tire ses origines de la Guilde frumentaire d’Havrebaie, organe de pouvoir dirigeant le bourg et l’Île Sereine dans l’archipel d’Yr. Composée des plus importants marchands et artisans locaux qui élisent à leur tête le Viguier, le pouvoir leur était autrefois délégué par la Couronne.

Pendant près de deux siècles, les familles marchandes occupant Havrebaie se sont contentés de commercer presque exclusivement avec la Cité d’Yr. Dès sa fondation en 184, la principale fonction de la Viguerie d’Havrebaie fut d’assurer l’approvisionnement en grain de la capitale, grâce à ses vastes étendues agricoles défrichées au fil des décennies après la fondation de la capitale. .

Même la destruction et reconstruction presque totale du bourg d’Havrebaie n’incita pas les commerçants locaux à étendre leurs ambitions commerciales. Effectivement, en l’an 322, le bourg d’Havrebaie fut capturé par l’ost du Vinderrhin, puis reprit par les forces célésiennes. La bataille qui y fit rage laissa la ville en ruines, exigeant une reconstruction complète et moderne dans un nouvel emplacement plus stratégique sur le plan commercial. Néanmoins, le retour à la stabilité n’engendra aucune tentative d’expansion commerciale. La Guilde frumentaire, satisfaite de ses avoirs et pouvoirs locaux, continua de se limiter à sa simple mission d’approvisionnement de la capitale.

En 379, à la demande du Connétable d’Ébène Narcisse Lancerte, la Guilde royale des artisans reçut le mandat de construire un nouveau fort sur l’Île Sereine : le Fort de Pointe-Aux-Hérèges. Joseph Morrigane, ingénieur en armement felbourgeois fut mis en charge de l’ambitieux projet. L’intention de Lancerte était d’y installer un régiment de vétérans de la guerre dans la Terre des Roses, la Légion de la Dernière frontière (plus tard connue sous le nom de “Dernière Légion”). Cependant, si le fortin fut construit avec grand succès, le Viguier du moment, Geoffroy de Blanc-Roc s’opposa fermement à l’arrivée des soldats. Faisant fie de cette opposition, Narcisse Lancerte décida d’installer tout de même la Dernière Légion à Havrebaie, au grand mécontentement du Viguier. Quelques jours plus tard, l’empoisonnement de plusieurs de ces soldats fit fortement réagir Oléna des Ombres, capitaine de la Dernière Légion. Convaincue de la culpabilité de Blanc-Roc, elle chassa le Viguier et prit le contrôle de l’Île Sereine et de son bourg. Elle offrit à la Guilde royale des artisans le titre (usurpé) de Viguier, et c’est Joseph Morrigane qui répondit à l’appel.

Les mois qui suivirent furent témoins des ambitions de Morrigane. Bien que répondant aux ordres d’Oléna, il était maintenant le dirigeant de la Guilde frumentaire. Si cette dernière s’était contentée d’être le simple grenier de la capitale depuis des décennies, le nouveau Viguier avait des intentions bien différentes. Il s’empressa d’obtenir le soutien de nombreux courtisans d’Yr, afin de stimuler la croissance économique d’Havrebaie. Il parvint même à faire cohabiter dans son bourg les intérêts commerciaux des trois grandes guildes commerciales du moment, soit la Banque Libre d’Ébène, la Marine des Mérillons et l’Union Commerciale du Sud. Tandis que la Cité d’Yr s’embourbait dans les crises sociales et la famine, une incroyable effervescence voyait le jour à Havrebaie, ce qui accorda l’influence nécessaire à Morrigane d’écarter à la fois Oléna des Ombres et Geoffroy de Blanc-Roc du pouvoir de la Viguerie. Appuyé par la Guilde frumentaire et les élites financières de la région, Joseph Morrigane scella ainsi son autorité locale. Il était toutefois hors de question pour lui de continuer à partager le pouvoir économique avec les grandes guildes commerciales.

Au début de l’hiver 381, le Viguier s’allia avec deux grands commerçants du royaume : Giskard de l’Aurore, Intendant de la Banque Libre d’Ébène, et Merwyn Prothero, Centenier de l’Union Commerciale du Sud. Le but de l’alliance était simple : solidifier les acquis de ceux-ci au sein de leurs corporations pour ensuite les quitter en apportant avec eux un maximum d’avoirs et d’influence. Au printemps 381, Merwyn Prothero déclara qu’il quittait l’Union Commerciale du Sud avec tous ses acquis agricoles de Haut-Vignoble au Sarrenhor et ses installations de l’UCS sur l’Île Sereine, et qu’il rejoignait la nouvelle République Marchande d’Havrebaie. La séparation entre Giskard de l’Aurore et la Banque Libre fut bien plus brutale. Partout dans le royaume, des bannières de la Banque furent soudainement souillées et remplacées par celles d’Havrebaie. Nombre de manufactures d’armes et comptoirs commerciaux tournèrent également le dos à leurs anciens employeurs et suivirent Giskard dans la nouvelle entreprise. De son côté, Joseph Morrigane avait signé le retrait de la Marine des Mérillons des quais d’Havrebaie en échange d’une bouchée de pain et avait de plus conclu d’avantageuses ententes avec l’ambassadeur de Fel, Siegbald Cuthburg, pour un approvisionnement en métaux. Il collabora également de près avec l’ambassadeur d’Ébène au Vindherrin, Albert Delorme, afin qu’Havrebaie devienne la porte commerciale vers cette contrée étrangère.

Toutes ces ententes et ces tours de force commerciaux permirent à Havrebaie de se tailler une place au sein des grandes corporations officielles du royaume. La cerise sur le gâteau vint cependant au Bal des Floraisons du printemps 381, lorsque la Très Divine Adrianna octroya des cadeaux à ses fidèles sujets en remerciement de leur implication dans la guerre sainte contre la Ligne d’Ardaros. Pour ses investissements déterminants dans la guerre, le Viguier Joseph Morrigane obtint l’autonomie pure et simple d’Havrebaie et de l’Île Sereine. À la suite à cette annonce, le nouveau seigneur déclara sans délai l’inauguration de la République Sereine et Marchande d’Havrebaie. Il intégra Giskard de l’Aurore et Merwyn Prothero à la Guilde Frumentaire qu’il renomma alors “Grand Conseil” et se couronna lui-même Doge Sérénissime d’Havrebaie. L’organe de pouvoir politique de l’Île Sereine devenait donc également le siège de pouvoir de cette nouvelle corporation qui voyait le jour. Les vieilles familles de la Guilde frumentaire n’eurent pas le choix de suivre les ambitions du nouveau Doge Morrigane.

Au cours des années suivantes, le Doge mobilisa le Grand Conseil et sa fortune afin de solidifier et étendre les routes commerciales de la République à l’intérieur et à l’extérieur du royaume, faisant de la corporation un incontournable dans l’économie du continent malgré sa jeunesse. Celle-ci développa des comptoirs dans certaines des anciennes installations de la Banque libre d’Ébène en Fel et Laure, au port d’Yr, à Haut-Vignoble et dans la cité forteresse de Berren-Herderdrovyn au Vinderrhin. Cependant, si elle a su s’implanter de façon fulgurante dans le paysage commercial, la République marchande de Havrebaie demeurait essentiellement spécialisée dans le négoce de produits et non dans la production elle-même. Ainsi, en 383 et 384, les marchands havrebéens s’affairèrent à consolider leurs positions dans l’économie primaire. Vins et produits de l’agriculture de Haut-Vignoble, fer et minerais des Crocs et du nord laurois, bois de Corrèse, soufre de Pyrae et services bancaires des Banques Da Luciana s’ajoutèrent aux cordes de la corporation. Avec l’expansion de la recherche et du développement militaires dans la jeune république, ces ressources purent rapidement être mises au service des armées et chercheurs, surtout depuis l’éclatement du royaume d’Ébène. Finalement, à l’été 384, une entente commerciale avec la Banque libre d’Ébène signa le repli de la corporation bancaire et l’apparition massive des Havrebéens sur les marchés régionaux du nord laurois. Première partenaire commerciale du royaume du Vinderrhin, plate-forme incontournable de négoce partout en Ébène et fer de lance de la recherche militaire, la République marchande de Havrebaie connait aujourd’hui son âge d’or.