La Marine des Mérillons

Quartiers-généraux : Trenquiavelli, Avhor

Devise : « Par-delà les mers »

Secteurs d’activité : Commerce maritime avec l’étranger


La traversée des deux mers ceignant le royaume d’Ébène fut de tout temps un défi pour les navigateurs. Le succès d’une telle entreprise découle autant de l’expérience des marins, de la robustesse des navires et de la faveur des courants océaniques. De tous les capitaines ébénois, ce sont les descendants des Mérillons –Avhorois et Salvamerois- qui ont su le mieux dompter les dangers du large. Avant le Sang’Noir, nombre des marchands négociant avec l’étranger revêtaient la cape de pirates et de flibustier pillant autant les cales des boutres ardarosiens que les entrepôts côtiers des baronnets de Salvamer. Par leur intermédiaire, des produits exotiques faisaient leur entrée sur le marché ébénois et se frayaient un chemin jusqu’aux plus nobles cours des landes ; la piraterie était la condition nécessaire au luxe des aristocrates.

Toutefois, quand le Roi-Prophète entreprit de structurer le royaume autour des seigneurs-palatins et de la cité d’Yr, il devint périlleux pour les bandits des mers de poursuivre leurs activités illicites. Afin de sceller le sort de ces criminels, Vittario Acciaro, seigneur-palatin de Salvamer de l’an 18 à 36, embaucha officiellement à la vingt-et-unième année de notre ère l’un des capitaines pillards sévissant sur la Vaste-Mer afin de combattre ses semblables. Le flibustier Horacio le Flamboyant, tel qu’il aimait se faire appeler, s’empara des ducats des Acciaro et convoqua à Pyrae –archipel neutre- une assemblée des capitaines de l’Est. À force de tractations et de pots-de-vin, il persuada ses homologues de s’unir en une seule coalition apte à monopoliser légalement le commerce extérieur du royaume d’Ébène. Bien sûr, une poignée de criminels résistèrent à la formation de cette nouvelle alliance, mais ils furent promptement écrasés par les forces coordonnées de la nouvelle puissance commerciale. Horacio le Flamboyant fondait ainsi en l’an 22 l’Assemblée des Mérillons.

La croissance fulgurante de la guilde marchande contribua au maintien de l’ordre fragile qui la soutenait. Effectivement, habitués à la liberté du marin et à la frénésie des pillages, plusieurs capitaines de l’Assemblée poursuivirent clandestinement leurs opérations illégales afin de maximiser leurs profits. Cependant, les attraits de la criminalité s’estompèrent rapidement lorsqu’ils constatèrent qu’ils pouvaient –à bien moindres risques- réaliser des profits faramineux en revendant à hauts prix les produits rares acquis dans les marchés ardarosiens. Les dangers inhérents au pillage ne pouvaient que s’évanouir devant les promesses d’un monopole commercial. Nul ne pouvait traverser les mers comme le faisaient les Mérillons de l’Assemblée et nul n’était en mesure de leur faire compétition en ce domaine. L’intégration de Pyrae au royaume d’Ébène en l’an 105 ne fit que consolider le pouvoir de la guilde à l’Est, l’archipel lui servant désormais de fenêtre sur les richesses d’Ardaros.

En 319, à la suite de la montée fulgurante en puissance de la nouvelle Guilde franche d’Ébène basée à Fel, l’Assemblée des Mérillons perdit peu à peu de son influence au sein des marchés ébénois. La plupart de ses ports d’attache orientaux subissant la menace d’une invasion maritime par les forces princières et les eaux de la Vaste-Mer grouillant de pirates et de contrebandiers, la flotte marchande ne pouvait plus rentabiliser ses activités. Pour cette raison, elle se tourna vers la Marine de Carrassin d’Avhor. Regroupement commercial maritime et côtier officiellement fondé par Alvaro de Trenquiavelli et Bartholomeo Souard en 314, la Marine de Carrassin semblait être un partenaire d’affaires tout indiqué pour les Mérillons. L’entreprise, installée dans le palatinat d’Avhor, visait d’abord et avant tout le développement et la protection des réseaux maritimes de la Vaste-Mer et de la mer blanche et l’acheminement sécuritaire, efficace et légal des ressources sur le continent. De plus, par son fondateur, l’ancien comte de Trenquiavelli, également surnommé le Carrassin d’Or, la compagnie était déjà en alliance directe avec l’Assemblée des Mérillons avec qui elle partageait des objectifs communs.

Ainsi, en 319, Shala Omhenaï, la Grande amirale de l’Assemblée des Mérillons, rencontra ses homologues de Carrassin. À l’issue de cette réunion, l’ensemble des intervenants durent se rendre à l’évidence que leur survie passait par une fusion de leurs activités. En plus de la guerre civile en cours et des menaces de la Vaste-Mer, de nombreux individus hauts-placés de la Marine de Carrassin avaient commencé à prendre leur distance par rapport à la compagnie afin de se concentrer à leurs propres affaires. C’est donc à la fin de la même année, alors que les assauts pirates se multipliaient sur les routes commerciales liant l’Ébène à Ardaros, que l’union entre les deux marines fut scellée. Ainsi naissait la Marine des Mérillons.

Lors des années suivantes, l’essor inquiétant sur la Vaste-Mer de l’organisation connue sous le nom de « L’Ordre » créera de nombreux remouds au sein de la Marine. Confrontée à ces pirates fanatiques voués au renversement des gouvernements d’Ébène, la guilde marchande dut engloutir des sommes colossales pour préserver son hégémonie commerciale. Ironiquement, les enquêtes ultérieures devaient prouver que les capitaines de l’Ordre, ennemis mortels des Mérillons, étaient souvent infiltrés à même l’organisation, jouant de ce fait sur les deux tableaux. Néanmoins, en 323, après des luttes acharnées, les légions de la Marine parvinrent à poser le pied sur l’île de Corail, à mi-chemin entre l’Ébène et la Ligue d’Ardaros. Il faudra ensuite près de deux décennies de combats sanglants dans les jungles de ce bout de terre tropical pour que les Mérillons reprennent le contrôle aux mains des derniers criminels résistants. Ce fut Didius Falco, Commodore de la guilde, qui mena ces batailles acharnées.

Étroitement associée au Symposium des Mérillons (entente politique des seigneuries avhoroises et salvameroises) au sein du Dominium des Mérillons, la Marine a repris du galon depuis trente ans. Grâce à la paix du Monarque et à son contrôle ferme de l’île de Corail (menant à Ardaros), de l’île d’Ivoire (ouvrant la porte du Silud) et de l’île aux Boustrophédons (près du Vinderrhin), la flotte marchande a pu regagner le contrôle des mers. Oeuvrant de pair avec la Couronne, elle loue fréquemment ses galions et caravelles afin d’entretenir les colonies et comptoirs commerciaux à l’étranger. De plus, par l’adhésion à leurs rangs des familles Merizzoli et Di Ontano de Salvamer, responsables de la fabrication des carats, la Marine s’assure des entrées d’argent récurrentes en ses coffres. Finalement, lorsqu’en 370 la Reine Adrianna autorisa de nouveau le commerce avec les Ardarosiens de la Lance d’Ardar -ancienne Pyrae conquise par les étrangers, la Marine s’empressa de monopoliser les échanges légaux avec les marchands des lieux. Certes, plusieurs contrebandiers se plaisent encore à accoster sur les plages de l’ancienne Pyrae, mais seuls les capitaines affiliés à la Marine des Mérillons en ont la permission officielle.

Les principaux entrepôts de la Marine des Mérillons se situent sur les berges de la Vaste-Mer, plus précisément à Avhor, dans le comté de Trenquiavelli. Toutefois, au cours des deux derniers siècles, les caravelles marchandes de la guilde ont étendu leur réseau d’influence dans tous les ports côtiers du royaume. Autant à Felbourg la Cité, Port-Céleste, Yr, Salvar et Cassel, leurs immenses navires jettent l’ancre et attirent le regard de la bourgeoisie et de la noblesse.

La puissance commerciale de la Marine repose essentiellement sur l’unicité des produits exotiques qu’elle offre. À l’exception des rares voyageurs étrangers suffisamment audacieux pour traverser les mers en vue d’un négoce dans les marchés ébénois, les Mérillons sont les seuls marchands important régulièrement des contrées lointaines des denrées de luxe. Les lainages de la Terre des Roses, les encens et herbes du Silud et les manuscrits d’Ardaros trouvent ainsi, par l’entremise de la guilde maritime, le chemin des boutiques du royaume. En échange, la Marine revend dans les commerces étrangers les produits uniques ébénois : essences d’arbres rares de la forêt d’Ébène, vins d’Avhor, machineries de Fel et chevaux d’élevage de Sarrenhor n’en sont que quelques exemples. Néanmoins, les opérations de la Marine dépendent directement des relations diplomatiques d’Ébène.