ACADÉMIE DU ZANAÏR
Campus principal : Haute-Tour, Corrèse
Devise : « Maintenir le voile »
Priorités : Préservation des mystères anciens et des artefacts, divination
Pour toute idéologie dominante, un contre-courant se fait entendre. Aux érudits souvent partenaires des grandes familles nobles et des richissimes bourgeois, quelques mystiques opposent une voix dissonante et agaçante. Depuis bien avant le Sang’Noir, l’antique tradition du Zanaïr subsiste dans la région de Corrèse. C’est en l’an 90 que le prince en place, Orcidias II, officialisa le statut d’académie de l’ordre du Zanaïr. Le suzerain, passionné par les contes et légendes corrésiennes, avait pour conseillers personnels des mystiques plongés dans les arts divinatoires qui, pour d’obscurs services rendus, réussirent à obtenir de leur maître la reconnaissance de leur institution.
Les origines du terme « Zanaïr » sont fort contestées. Pour quelques sages du Sarrenhor, il s’agirait d’une ancestrale expression des premiers Enfants d’Arianne renvoyant aux mystères naissant de l’union du vent et des cieux. Pour des érudits pyréens, ce serait le nom d’un mage ardarosien ayant impressionné les anciens ébénois par ses prouesses magiques. Enfin, pour plusieurs autres spécialistes des dialectes étrangers, le Zanaïr serait un concept métaphysique hérité des voyageurs du Firmor, peuple occupant autrefois les terres perdues au sud des monts Namori. Ultimement, toutes ces interprétations se recoupent sur la nature mystérieuse de notre monde et sur la recherche des incantations oubliées.
Bien qu’ils se réunissent habituellement en cercles d’initiés, la plupart des membres officiels de l’académie du Zanaïr résident dans la région de Haute Tour, à Corrèse. Effectivement, hors des murs des cités, à proximité de la forêt d’Ébène, les éminences grises de l’ordre habitent depuis des siècles une tour fortifiée -d’où le nom de la région- où peu de visiteurs osent s’aventurer. Effectivement, ce que les érudits du Zanaïr appellent « Sagesse » est hautement controversé dans les communautés savantes ébénoises. La Sagesse n’est ni une science au sens théorique ni une technique au sens pratique. Il s’agit plutôt d’une intuition inexplicable du substrat de l’existence. Celui qui accédera à la Sagesse saura en déduire des formules, des incantations et des gesticulations qui, selon leurs pratiquants, auront un effet sur la matière et l’esprit. En termes plus simples, les adeptes du Zanaïr se prétendirent pendant longtemps magiciens et sorciers. Bien sûr, jamais ils ne l’avouaient en ces mots -la magie étant une impureté enrayée par le Céleste lors de l’ère de l’Illumination-, mais leurs ambitions se résumèrent pendant longtemps à redécouvrir la sorcellerie perdue des premières races. Dès lors, tous les indices suggérant la survivance de vestiges mystiques quelque part dans le royaume furent souvent récupérés par les représentants du Zanaïr qui les rapatriaient en leurs quartiers centraux près de Porte-Chêne.
Cependant, en 357 de l’ère royale, la situation du Zanaïr changea drastiquement. À l’automne, quatre régiments royaux commandés par le Connétable d’Ébène de l’époque, Hadrien Visconti, encerclèrent la Tour corrésienne. Par décret royal, l’académie mystique fut sommée d’ouvrir ses portes aux enquêteurs de la Couronne. Sachant que rien n’empêcherait le Monarque d’en arriver à ses fins, les Sages se plièrent à ces demandes. Lorsque les soldats débutèrent leur inquisition, ils découvrirent une Tour à moitié désertée par ses occupants. La plupart des disciples avaient déjà fui vers l’est afin de gagner les rives de la lointaine île de Marbelos, réputée pour être un havre d’hérésie et de recherches blasphématoires. Pour ceux qui choisirent de rester, près de deux cents procès furent tenus afin de départager le bon grain de l’ivraie. Tous ceux ayant fricoté avec les arts mystiques -voire la magie- et les ombres furent condamnés à mort. La vénérable Volinia Varos, grande sage de la Tour, fut elle-même immolée sur le bûcher pour ses nombreux échecs à protéger les artefacts de ses voûtes lors des années précédentes. Une jeune Sage loyale à la Couronne et à la Foi -Dame Florence- fut alors nommée spécialement par le Monarque pour la remplacer. Dans les années qui suivirent, la vocation du Zanaïr changera du tout au tout.
La purge du Zanaïr n’était pas un hasard de l’Histoire. Celle-ci découlait directement des innombrables errances des Sages en matière de conservation d’artefacts. En quelques années à peine, des objets qualifiés de maudits consignés dans les voûtes de la Tour tombèrent entre les mains d’ennemis du royaume. Plus encore, au fil des enquêtes, il devint évident que plusieurs chercheurs tentaient de percer le voile séparant la vie de la mort. Reconnaissant néanmoins l’utilité des connaissances du Zanaïr dans le royaume, le Monarque accepta de placer en tutelle les Sages de la Tour sous l’Inquisition céleste. Les dérives des recherches en matière d’occultisme devaient être balisées par des autorités dignes de confiance, plus spécifiquement celles de la Forteresse de l’Antre du Loup au Val-de-Ciel, à quelques lieues de là. Pour cette raison, il est aujourd’hui fréquent d’apercevoir des ecclésiastiques à l’intérieur de la Tour de Corrèse s’enquérant des progrès et sujets d’études des érudits.
D’explorateurs des mystères oubliés, les Sages du Zanaïr sont devenus les gardiens sacrés. Il n’est plus question de mener des expéditions dans la forêt d’Ébène ou d’aspirer à activer le potentiel d’un artefact. Les secrets des ères antiques doivent demeurer enfouis et il serait blasphème que de chercher à les révéler au grand jour. Toutefois, si jamais un événement occulte doit survenir dans le royaume, les érudits sont immédiatement convoqués afin d’assister les investigateurs, voire de les guider dans leurs recherches. Par leurs connaissances uniques, ceux-ci sont en mesure de circonscrire les menaces obscures afin de les rapatrier dans leurs voûtes sécurisées. Dans celles-ci, nul ne peut pénétrer sans autorisation personnelle du maître académicien de la Tour et du Haut-Inquisiteur de la Forteresse valécienne de l’Antre du Loup.
En dehors de cette mission délicate, les Sages du Zanaïr se spécialisent dans des champs d’activités métaphysiques. Les spécialistes les plus réputés de l’académie sont en ce sens les astrologues, devins des éléments. En temps normal, ceux-ci divertissent les cours du royaume en interprétant les présages de la vie quotidienne afin de souffler à l’oreille des badauds quelques visions de leur avenir. Ces prétentions plus cocasses qu’exactes ne bernent que les dames en manque de scandale et les autres aristocrates aux loisirs trop nombreux. Pourtant, il est arrivé au fil des siècles que des astrologues prédisent des cataclysmes naturels imminents, permettant ainsi à leur seigneur de leur échapper, voire même d’en tirer profit. Comment ces inquiétants personnages réussissent-ils à deviner ces malheurs futurs? Aucun non-initié ne pourrait prétendre détenir la réponse à cette question.